Pervers

Mon conjoint dit que je suis un manipulateur pervers narcissique ? Qu’est-ce que c’est ? Et comment être sûr qu’elle dit vrai ? Que dois-je faire ?
Brigitte Lahaie : Jean-Michel Oughourlian est avec nous, vous êtes neuropsychiatre. Vous travaillez beaucoup sur le désir mimétique. Pour l’instant je vous propose d’ouvrir cette boite à questions. Mon conjoint dit que je suis un manipulateur pervers narcissique, qu’est-ce que c’est ? Et comment être sûr que c’est vrai ? Déjà, quand on nous donne une étiquette, généralement ce n’est pas forcément la vérité.
Jean-Michel Oughourlian: Déjà, deuxièmement c’est un diagnostic fait par en quelque sorte la victime. C’est un diagnostic partial de certaine manière. Et puis vous savez c’est très à la mode, c’est une entité neurologique. C’est une nouvelle appellation, une étiquette qui consiste à dire pervers narcissique. Alors pervers, depuis Freud on pense que ce sont des déviants sur le plan sexuels ou autres, et narcissique c’est-à-dire qu’ils sont entièrement concentrés et tournés vers eux même. C’est-à-dire des gros égoïstes qui exploitent l’autre. Moi pour ma part j’ai tendance à penser que ça renvoie un petit peu à ce que et traditionnellement et depuis des centaines d’années on connaît sous le nom de donjuanisme pour les hommes et de messianisme pour les femmes. C’est-à-dire des gens qui considèrent l’autre comme un objet qu’ils prennent et surtout qu’ils jettent. Et lorsqu’ils le jettent ils veulent s’assurer qu’il n’est plus utilisable par quelqu’un d’autre.
B.L : Mais moi j’aurais surtout envie de dire que quelqu’un qui nous accuse d’être pervers narcissique, si on entend cette accusation c’est qu’on n’est pas pervers narcissique, puisque le pervers narcissique de toute façon il ne l’entend pas ce genre de chose.
J-M.O : Non et puis si vous voulez, je pense qu’aujourd’hui c’est devenu à la mode. C’est-à-dire, dès que quelqu’un, dès qu’une femme ou un homme se plaint de son conjoint en disant qu’il n’est pas gentil ou qu’il lui a fait une vacherie. Ca y est on dit qu’il est pervers narcissique. Ca fait bien dans la conversation, ça fait élégant et puis ça permet de laisser penser qu’on a des lettres.
B.L : Tout le monde n’est pas neuropsychiatre.
J-M.O : C’est devenu très publicisé le pervers narcissique, c’est dans tous les journaux.
Quelle différence y a-t-il entre un pervers manipulateur et un pervers narcissique ?
Brigitte Lahaie : Tout de suite on va ouvrir cette boite à questions, Pascal Neveu, quelle est la différence entre un pervers manipulateur et un pervers narcissique ?
Pascal Neveu : C’est un peu la même chose il n’y a pas de différence en fait, de toute façon à partir du moment où il y a un pervers, je le dis très souvent il faut partir en courant !
B.L : Oui on est d’accord la seule solution c’est de les fuir, mais il y a peut-être un degré.
P.N : Oui le manipulateur c’est quelqu’un qui va mentir, qui va vouloir assouvir l’autre. Le narcissique c’est quelqu’un qui va vouloir détruire l’autre. C’est peut-être la différence effectivement entre les deux. Il faut pouvoir repérer jusqu’à quel point effectivement on se sent atteint, détruit au niveau de son identité, de son existence même. Mais avec l’un ou l’autre effectivement…
B.L : Je crois qu’il faut simplement rappeler que quelqu’un qui est pervers que ce soit dans sa sexualité parce qu’on peut être pervers uniquement sexuellement on peut l’être dans la relation en règle générale. On peut être pervers au travail. Un pervers est quelqu’un qui utilise l’autre comme un objet à des fins personnelles.
P.N : Il en a besoin pour jouir en fait. Sa jouissance il la trouve simplement dans le fait qu’effectivement il manipule l’autre. L’autre n’est qu’un objet et puis il le manipule.
B.L : Donc il ne faut pas se faire d’illusion on n’existe pas pour l’autre, pour le pervers. Et quand on n’existe pas on n’a aucune chance de s’en sortir.
P.N : On ne s’en sortira jamais quand on ne se sent plus comme étant un sujet, quand effectivement ces identités au fin fond de nous n’existent plus effectivement on a affaire à un pervers. C’est ce qu’il recherche le pervers.
B.L : Alors je ne sais pas si c’est ce qu’il recherche moi j’aurais tendance à dire qu’il est comme ça.
P.N : Il le trouve en tout cas. Il repère très naturellement les personnalités plus fragiles si je puis dire, je n’aime pas ce terme, mais en tous cas ces personnalités-là vont être victimes d’un pervers. Ils savent les repérer c’est souvent des personnalités en tout cas qui ont cette fragilité identitaire avec lesquels ils vont pouvoir tricoter malheureusement et sur lesquels ils vont pouvoir s’amuser.
B.L : En même temps on peut tous au début quand on est encore un petit peu innocent je dirais de la complexité humaine, être face à quelqu’un de pervers sans s’en rendre compte parce qu’on est encore naïf tout simplement. Et une fois qu’on s’est fait avoir une fois en règle générale après on les repère plus facilement.
P.N : Ca dépend. Si on s’en sort on les repère plus facilement effectivement on les fuit et on est beaucoup moins vulnérable.