Politique arabe de la France : "Touche pas à mon despote"

Le soulèvement tunisien n'a pas seulement permis à un peuple de se libérer du régime qui l'opprimait. Il permet à l'ensemble du monde arabe d'échapper à une fatalité à laquelle on le disait condamné : la dictature ou l'islamisme...
Les révoltés de Carthage et de Tunis ont prouvé que, dans un pays où la religion musulmane domine, on peut renverser un pouvoir autocratique au nom de la liberté et pas forcément au nom d'Allah. Leur démonstration anéantit 30 ans d'aveuglement ou de mensonges des gouvernements occidentaux, qui n'ont soutenu les dictateurs que parce qu'ils étaient censés faire barrage aux fondamentalistes.
La grille de lecture française était périmée. Jusqu'à vendredi, personne ne croyait à Paris que le régime tunisien pourrait tomber. Il y a sûrement un reste de colonialisme dans cette erreur de jugement, la certitude ancrée que les pays arabes ne sont pas aptes à la démocratie. Ce qu'on a appelé fièrement "la politique arabe de la France" a conduit nos gouvernements successifs à soutenir des dirigeants aussi éclairés que Saddam Hussein en Irak, les Assad père et fils en Syrie, Moubarak en Égypte, Bouteflika en Algérie et même Kadhafi en Libye depuis l'élection de Nicolas Sarkozy. Dans tous ces pays-là, sous l'alibi de la laïcité, c'est encore la doctrine "touche pas à mon despote " qui s'applique. Le plus extravagant, c'est que Ben Ali, qui se posait en rempart contre les islamistes, a fini par se réfugier où ? En Arabie saoudite, le pays le plus islamiste du monde !
Il faut espérer la contagion
Maintenant, il n'y a pas plus intraitable que la France : on fait des enquêtes sur les avoirs du clan Ben Ali, les services secrets sont mobilisés, les banques sont alertées, on sort les dossiers... Et puis on fête aussi la liberté de la presse, de l'opposition... On n'entendait pas tellement de protestations quand rien de tout cela n'existait en Tunisie.
Il faut espérer une contagion au reste du Maghreb. Mais il faut encore que la démocratie s'installe pour de vrai en Tunisie, avec des élections réellement libres et un gouvernement qui ne ressemble pas à un faux nez de la dictature. Ce n'est pas encore fait. Peut-être qu'au moins, après avoir raté le début du film, la France et l'Europe pourraient contribuer à ce qu'il se termine en happy end.
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