Pour rassembler la gauche, il faudra plus qu’un référendum
Au lendemain de la conférence sociale et du vote interne du PS, la gauche paraît toujours aussi divisée. Pire, pour Hervé Gattegno, "ce ne sont plus des divergences, c'est une fracture". Selon lui, "il n’y a plus ni convergence politique, ni connivence tactique et encore moins de complicité personnelle entre les dirigeants du PS, des écologistes, du PG et des communistes".
Au lendemain de la conférence sociale et du vote interne du PS, la gauche paraît toujours aussi divisée dans la perspective des élections régionales – et au-delà. Votre parti pris : pour rassembler la gauche, il faudra plus qu’un référendum ! Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?
Ce ne sont plus des divergences, c’est une fracture. Tous les ingrédients sont réunis pour que ce qui a été autrefois l’union de la gauche (Mitterrand), puis la gauche plurielle (Jospin) et la majorité présidentielle de François Hollande (en 2012) soit en morceaux. Il n’y a plus ni convergence politique, ni connivence tactique et encore moins de complicité personnelle entre les dirigeants du PS, des écologistes, du PG et des communistes. Le PS est déclinant mais voudrait rester dominant. Les Verts sont rattrapés par leurs penchants groupusculaires et la gauche de la gauche pense qu’elle se compromettrait si elle faisait des compromis. Résultat : en fait de rassemblement, la gauche est saisie de tremblements.
C’était justement l’objet du référendum interne organisé par le Premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis : il revendique un succès et un vote massif en faveur de l’unité de la gauche. Vous n’y croyez pas ?
Personne n’y croit – les conditions du vote étaient aussi sérieuses et transparentes que les test de pollution chez Volkswagen. Et on savait le résultat d’avance : personne n’allait se déplacer pour demander que la gauche soit désunie ! Donc Jean-Christophe Cambadélis a eu un score à l’albanaise (on est content pour lui). Seulement les autres partis de gauche ont vu dans ce référendum une façon perverse de les rendre responsables de la division – alors que le désaccord vient moins de rivalités électorales que de la politique menée par François Hollande. Les anciens alliés du PS considèrent que les socialistes sont passés de la caporalisation à la culpabilisation – et ça n’est pas plus efficace.
La question qui est en train de monter, c’est : quelle sera l’attitude du PS si ses listes arrivent en troisième position dans certaines régions et qu’il y a un risque que leur maintien fasse gagner le FN ? Il y a une réponse ?
C’est le signe le plus flagrant de l’embarras du PS. Pour la 1ère fois depuis 30 ans, c’est sur les socialistes et la gauche que va peser la pression, parce qu’ils seront derrière la droite et le FN dans plusieurs régions. Le problème, c’est qu’avec le mode de scrutin régional, là où la gauche se désisterait pour faire barrage au FN, elle n’aurait aucun siège, elle serait réduite à néant – perspective douloureuse. Sans compter qu’à force d’entendre critiquer le "front républicain" (à gauche comme à droite), les électeurs n’ont plus envie de voter pour l’adversaire, même contre le FN. Il reste que, sans le maintien du PS, Marion Maréchal n’aurait pas été élue députée. Les dirigeants du PS n’en ont pas de remords ; peut-être que leurs électeurs auront des regrets.
Et après les régionales, si le PS subit la déroute annoncée, est-ce que François Hollande pourra encore recoller les morceaux avant 2017 ?
Bien sûr que oui. Il doit même penser que ça peut l’aider à convaincre la gauche non socialiste qu’il n’y pas d’autre choix que de le suivre. François Hollande a dit devant la conférence sociale : "La réforme ou la rupture". C’est aussi l’alternative politique qu’il propose aux déçus par la gauche. C’est une façon d’utiliser la menace. Et c’est aussi une façon de ne pas remettre en question sa politique, qui frustre son électorat et qui, pour l’instant, n’a pas de résultat. Seulement rien ne permet de penser que le FN puisse être contenu avec une politique sans contenu.
Hervé GATTEGNO