Procès Chirac : une sanction sévère mais juste

Deux ans de prison : c’est la peine infligée hier à Jacques Chirac, ancien président de la République. Même si la peine est accompagnée du sursis, c’est une condamnation très lourde pour l’ancien président. Une sanction lourde, sévère et sans appel.
Là, c’est du sérieux. Deux ans de prison avec sursis, c’est la durée de sa condamnation pour avoir été, je cite les juges, l’initiateur et l’auteur principal des délits de « détournement de fonds publics », d’« abus de confiance », de « prise illégale d’intérêt ». Les magistrats de la XIème chambre ont désigné sans ambiguïté le donneur d’ordre des emplois fictifs de la mairie de Paris. Des emplois fictifs servant en fait à asseoir l’influence politique de Jacques Chirac et bénéficier au parti politique qu’il dirigeait.
20 ans après les faits, une sanction vraiment nécessaire ?
20 ans après… pour quelle raison 20 ans après ? Tout simplement parce qu’à la fin des années 90, le Conseil constitutionnel avait prononcé, en complicité avec Jacques Chirac, l’irresponsabilité pénale du chef de l’Etat. On avait alors estimé qu’une condamnation risquait d’entacher la fonction de chef d’Etat. Depuis la réforme constitutionnelle de 2007 cette immunité est gravée dans le marbre.
On peut discuter ce fait mais, à partir du moment où pendant douze ans on a mis la justice entre parenthèse, on ne peut pas reprocher aujourd’hui que cette décision soit tardive. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Et ceux qui s’émeuvent aujourd’hui de cette sanction tardive, comme François Fillon, sont les mêmes qui ont multiplié les manœuvres judiciaires dilatoires.
Jacques Chirac peut perdre sa Légion d’honneur
C’est sévère mais juste sur le fond, mais c’est clément et doux sur la forme. Que du sursis, donc pas de prison pour Jacques Chirac dont la condamnation ne changera rien à la vie de tous les jours.
Il risque juste, en théorie, de se voir retirer sa grande croix de la Légion d’honneur. Mais je doute que quelqu’un ose lui réclamer.
La justice est passée
C’est une belle et encourageante décision de justice. Elle me rend fier de mon pays. Malgré toutes les manœuvres, malgré les pressions, malgré la servilité du procureur qui avait demandé la relaxe pure et simple de Jacques Chirac, les juges, les petits juges, les juges du siège, les derniers à conserver leur indépendance et leur liberté, ont rendu la justice.
Les conséquences politiques
Au fond, cette décision ne change pas grand-chose. Les politiques savent qu’ils doivent répondre de la justice. Beaucoup d’anciens ministres ont été condamnés, ou sont actuellement poursuivis par la justice. Seul le Président échappait encore aux foudres judiciaires.
Il continuera à être préservé pendant la durée de son mandat, au pénal comme au civil. Y compris pour meurtre ou pour ne pas verser une pension alimentaire à son ex-femme.
Certains candidats à la présidentielle veulent d’ailleurs revenir dessus. François Hollande propose s’il est élu de mettre en place une commission qui décidera si les faits reprochés à un président sont suffisamment graves pour autoriser des poursuites immédiates.
Écoutez la chronique de Christophe Jakubyszyn, "Les coulisses de la politique" de ce vendredi à 7h20.
Votre opinion