Proxénétisme dans les cités: "Il y a une espèce d'ubérisation de la prostitution"
Douze hommes, souvent très jeunes eux aussi, sont jugés à Paris pour avoir prostituée de jeunes filles recrutées sur les réseaux sociaux. Vanina Méplain, avocate, dénonce ce fléau qui se banalise ces dernières années.
Ils prenaient les filles en photo dénudées, couchaient avec elles en guise de "test" avant d'envoyer les annonces sur internet: douze hommes sont jugés à Paris pour avoir prostitué de jeunes filles, la plupart mineures, en Ile-de-France.
Vanina Méplain, avocate de l’association Équipes d’action contre la proxénétisme (EACP) qui lutte contre ce fléau et s'occupe de la réinsertion des victimes, s’est constituée partie civile dans cette affaire. Elle connaît le malsain modus operandi des malfaiteurs, et s’inquiète de l’augmentation de ce type d’affaires ces dernières années.
"Il y a une espèce de banalisation et d’ubérisation de la prostitution. Car ce sont des très jeunes femmes souvent mineures qui sont alpaguées sur réseaux sociaux et qui sont happés dans le piège de la prostitution. Et en quelques clics vous devenez prostituée et vous êtes exploitées."
"Escort, elles ont toutes ce mot à la bouche. Elles ne sont considèrent pas comme prostituées"
L’avocate décrit les différentes phases que ces jeunes filles traversent, attirées évidemment par “l’argent facile” réalisé très rapidement, avant de déchanter un peu plus tard.
"Au début il y a toujours une phase de déni, il y a une phase de toute puissance en se disant je suis libre, je vais faire beaucoup d’argent, je vais faire escort, elles ont toutes ce mot à la bouche. Elles ne sont considèrent pas comme prostituées."
"Une prise de conscience quand les violences commencent"
"Puis il y a toujours cette deuxième phase de prise de conscience quand les violences commencent, quand la liberté diminue, quand on leur prend tous leurs gains, quand elles ne peuvent plus partir. Mais c’est déjà trop tard le piège de la prostitution est déjà refermé."
Les douze hommes entendus dans cette affaire sont impliquées à des niveaux différents, et certains font encore peur aux jeunes filles qui n’osent que très rarement assister aux procès et témoigner.
"Elles vont se prostituer dans les hôtels le week-end pour s’acheter le dernier sac à la mode"
"Aucune n’a souhaité témoigner, c’est souvent le cas dans ce genre de dossiers. Il y a la honte, elle sont très jeunes mais ce ne sont pas forcément des jeunes filles déscolarisées. On va en avoir d’autres qui sont dans des familles dites “classiques”, qui vont au collège au lycée la semaine, et qui vont se prostituer dans les hôtels le week-end pour s’acheter le dernier sac à la mode. C’est là qu’on voit que c’est inquiétant pour notre société."
L’une de ces filles avait finalement décidé de se confier à la mère d’une amie avant de se confier à sa propre mère, ce qui a mis en lumière ce réseau et permis de le démanteler.
"C’est souvent comme ça, s’il y a une qui parle, ça incite les autres à le faire. Dans ce genre de dossiers en général les proxénètes sont des copains, des cousins de copains il y a toujours une espèce de liens confus pseudo-amical, voire amoureux, ce qui explique aussi la facilité avec laquelle ils arrivent à les emmener à la prostitution".