"Expliquez-nous": quel est le poids des syndicats en France?

C’est une journée cruciale pour les syndicats qui appellent tous à la mobilisation ce mardi contre la réforme des retraites. Mais que pèsent les syndicats de salariés en France? Comment sont-ils financés? A quoi servent-ils?
Ce sont eux qui ont la clef pour sortir du conflit autour de la réforme des retraites: les syndicats.
Pourtant, en France, ils ne pèsent pas lourd en terme d'adhérents. 8% des salariés dans le privé, 19% dans le public, 5% seulement des ouvriers, 3,5% dans les petites entreprises... Bref, la France au niveau européen se classe 28e sur 28.
Mais on ne juge pas du poids d’un homme politique en comptant les adhérents de son parti. On compte ses électeurs. Les syndicats préfèrent donc parler de leurs résultats aux élections professionnels. Et là, on obtient 63 % de participation dans les entreprises de plus de 11 salariés, 42% si on inclut les petites et très petites entreprises. Et ce sont ces chiffres qui donnent leur représentativité aux syndicats. Cinq grandes centrales ont le statut de syndicats représentatifs. Dans l’ordre : la CFDT qui pèse 25%, la CGT 24%, Force Ouvrière, 15 %, la CFTC 10% et le syndicat des cadres la CGC 9%.
Ces syndicats sont financés de façon totalement opaque depuis l’origine. La loi qui a autorisé les syndicats, la loi Waldeck-Rousseau, en 1884, prévoyait explicitement qu’ils n’avaient pas besoin de tenir de livre de comptes et que personne ne pouvait contrôler leur budget. Le but, c'était de garantir leur indépendance. Vive l'indépendance et vive les magouilles...
On sait aujourd’hui que la CGT, s’est longtemps servie dans les caisses du comité d’entreprise d’EDF qui était le plus riche de France. Que le patronat des industries minières a dégagé 20 millions d’euros en liquide dans les années 2000 pour acheter des syndicalistes et éviter des grèves. Ils appelaient ça “fluidifier” les relations sociales.
Il faudrait encore parler des scandales de la formation professionnelle des salariés. Un gâteau de 12 milliards d’euros par an cogéré par les syndicats. Le dernier rapport de la Cour des comptes a dénoncé “un royaume de la fraude ou l’argent coule à flots”. Une absence de contrôle, des organismes bidons, des formations fantômes.
Tout cela vient d'être réformé par la loi Pénicaud. De même, l’autorisation de ne pas publier de compte a été supprimée en 2008. Ce manque de transparence est donc moins criant aujourd’hui, mais on vient de très loin.
Les syndicats déposent les préavis de grève
Cependant, cette opacité ne touche pas les salaires des dirigeants? En effet, les chiffres ont été rendu public à la suite d’une crise interne à Force Ouvrière et à la suite de l’affaire du patron de la CGT, Thierry Lepaon, qui avait refait son bureau pour 60.000 euros.
Depuis, on sait que Jean-Claude Mailly, l’ancien patron de Force ouvrière gagnait 6000 euros net par mois avec une enveloppe de 2500 euros pour ses frais. La CFDT a indiqué que Laurent Berger gagne 4900 euros net et la CGT que Philippe Martinez émarge à 3500. Philippe Martinez est payé par la fédération de la métallurgie qui aligne son salaire sur celui de son entreprise d’origine. En l'occurrence Renault. Quand une prime est versée chez Renault, Philippe Martinez y a le droit.
Mais le Canard Enchaîné l’an dernier a aussi cité le cas du patron de la CFTC du Bâtiment qui gagnait 17.000 euros par mois, parce qu’il dirigeait l'assurance-maladie de Meurthe et Moselle, la CAF du même département et qu’il siégeait au conseil d’administration de l'URSSAF. Et il surévaluait largement ses heures de présence dans ces instances.
Mais à quoi servent vraiment les syndicats? Certains, ces jours-ci ont peut-être envie de répondre : à emmerder le monde! Ils servent effectivement à faire la grève. On ne peut pas cesser le travail si un syndicat n’a pas déposé de préavis.
Mais ils cogèrent aussi la sécu, des caisses de retraites, la formation professionnelle. Ils sont juges aux prud'hommes. Ils gèrent les comités d’entreprise. Celui d’EDF emploie 5000 personnes, celui de la SNCF 1000 personnes.
Enfin à quoi servent les syndicats? Il faut quand même rappeler qu’on leur doit la semaine de 6 jours. En 1919. Avant, on pouvait faire travailler un salarié 7 jours sur 7. On leur doit la semaine de 5 jours, et donc deux jours de week-end. C'était en 1936, en même temps que les deux premières semaines de congés payés.
La troisième semaine de vacances est arrivée en 1956, la quatrième en 1968, après une très longue grève générale et la 5e semaine en 1982. On leur doit aussi le SMIC en 1950. C’est ce qu’on appelle des acquis sociaux.
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