Covid-19: où va l'argent des vaccins?

EXPLIQUEZ-NOUS - Le monde entier s’arrache actuellement les centaines de millions de doses de vaccins contre le Covid. Qui profite de ce marché? Qui sont les "gagnants" de la crise sanitaire?
C’est le marché du siècle pour l’industrie pharmaceutique. Des milliards de doses de vaccins ont été commandés par les Etats et vont rapporter beaucoup d’argent aux grands labos cette année et les années suivantes.
Le géant Américain Pfizer annonce par exemple des recettes attendues de 15 milliards cette année pour un bénéfice de 4 milliards. Ça veut dire que la marge est de 25% ce qui est assez confortable.
C’est la récompense d’une prise de risque. Pfizer a parié très tôt beaucoup d’argent sur la start-up allemande BioNTech. Le groupe a aussi refusé toutes les subventions américaines pour garder les mains libres. Et on connaît la suite. Son vaccin est arrivé premier ex-aequo, il est aujourd’hui de loin le plus vendu au monde. Il sera l’un des plus grands succès de l’histoire de la pharmacie.
Et pourtant, les actionnaires de Pfizer n’ont pas encore fait fortune. L’action Pfizer à la bourse vaut aujourd’hui un peu moins cher qu’avant la pandémie. C’est assez inexplicable.
Moderna est financièrement le grand gagnant pour l’instant de cette course aux vaccins. Moderna, c’est la petite start-up de Boston qui avant l’arrivée du coronavirus n’avait pas vendu un seul médicament ni un seul vaccin. Elle n’en était qu’au stade des recherches. Mais là, elle a trouvé. Une enquête du magazine Challenge explique que l’action qui valait 23 dollars en vaut aujourd’hui 132, six fois plus. Ce qui a fait la fortune du premier actionnaire de son PDG français Stéphane Bancel. Là encore, c’est la récompense des risques pris. Moderna avait lancé la production avant même d’avoir les résultats des essais. Au risque de perdre beaucoup. Il est vrai que Donald Trump, il faut lui rendre hommage, y a cru, a subventionné Moderna et passé d’énormes commandes.
L'étonnante stratégie d'AstraZeneca
Résultat: la start-up va produire 700 millions de doses cette année et le double en 2022. Des doses vendues 15 euros aujourd’hui et sans doute plus cher à l’avenir. Avec une marge estimée à 50%. Ne cherchez pas qui est le grand gagnant du marché des vaccins, pour l’instant, c’est Moderna.
En revanche, AstraZeneca ne gagne pas d’argent. Le laboratoire a adopté la stratégie “No profit, no loss”, "pas de bénéfice, pas de perte". Autrement dit un vaccin vendu à prix coûtant. C’est pour cela qu’il coûte 1 euro 80, dix fois moins cher que les autres.
Pourquoi? Et bien parce que les universitaires d’Oxford qui l'ont conçu, l’ont proposé au géant pharmaceutique à condition qu’il le produisent pour le moins cher possible. Et le PDG français d’AstraZeneca, Pascal Soriot, a accepté. Parce que c’était ça ou se retrouver hors course. Le calcul, c’est lorsque l’urgence sera passée, il sera possible d’augmenter les prix et de gagner de l’argent dans un deuxième temps.
Le "prince des vaccins"
Enfin il y aussi des industriels qui ont remporté le jackpot. Ce sont ceux qui fabriquent les vaccins. Les sous-traitants de ces grands labos.
Et d’abord le premier d’entre eux, Adar Poona Walla, héritier de "Serum institute of India", entreprise indienne donc, premier fabriquant mondiale de vaccin. Il produisait un milliard et demi de doses avant la crise. Il va maintenant doubler son chiffre d’affaires. À lui seul il produit la moitié des doses d’AstraZeneca. Le Guardian raconte qu’il reçoit des coups de fil de chefs d'État qui le supplient d’envoyer ses vaccins.
Et tout ça rapporte gros. À 40 ans, Adar Poona Walla, voyage dans son airbus privée équipée comme "Air Force One". Il vit à Londres dans une maison de 2000 mètres carrés qu’il loue 200.000 euros par mois. Il possède des Picasso et 35 voitures de courses... et même une "BatMobile". On le surnomme le "prince des vaccins". Et il profite du marché du siècle.
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