Rapport Pisa: "Ce qui compte le plus, ce sont les bons élèves. On sacrifie le bien commun"

Le rapport Pisa sur le niveau des élèves dans le monde publié mardi pointe l'influence du milieu socio-économique dans les performances d'un élève. Pour l'historien de l'éducation Claude Lelièvre, la France tient en effet à ses élites quitte à "sacrifier le bien commun".
Claude Lelièvre, historien de l'éducation.
"Cette constatation d'inégalité nous touche dans notre citoyenneté, dans l'idée d'égalité qu'on se fait, mais on n'est pas touché dans notre fonctionnement même. On a en fait une vision plutôt élitiste de la démocratisation de l'éducation. Nous sommes un des pays dont les résultats sont le plus affectés par les inégalités venant des origines socio-culturelles. Seulement les plus progressistes pensent que le plus important est la promotion de tous.
Nous le savons depuis 2006 mais ce qui se passe, c'est que nous n'avons pas de 'choc Pisa' à proprement parler, parce que ceux qui sont les principaux acteurs de l'école, ceux qui réussissent grâce à l'école ne sont pas foncièrement touchés puisque c'est précisément les origines sociales les plus élevés.
Je pense que les choses vont progresser car au fur et à mesure des rapports Pisa, de plus en plus, l'ensemble de la presse met l'accent sur la question des inégalités alors qu'avant ce n'était pas du tout le cas. On se focalisait sur quelques points de plus ou de moins sur le classement, et petit à petit enfin on a compris les inégalités qu'il y avait.
"La France est un pays de concours"
On a pu comprendre que l'on est mal placé par rapport à ce type de problème d'inégalité socio-culturelle. Donc ça devrait faire un choc mais on a du mal à se dire que c'est peut-être parce que c'est nous qui fonctionnons mal.
La France est un pays de concours, on aime bien les classements. Il faut se rendre compte que bon nombre de parents, d'enseignants, voient les choses comme une fatalité. On est tellement dispersés, on a tellement de classements différents en France que l'on croit que c'est dans la nature des choses. Alors que ce qu'il faudrait souligner c'est que d'autres pays ont deux fois moins d'inégalités scolaires que nous, ça veut dire qu'on peut progresser. Il y a un danger que s'installe cette fatalité.
"Au nom des meilleurs, on sacrifie le bien commun"
Au lieu de se centrer sur l'idée d'examen on se concentre sur l'idée de concours. Pour preuve notre système de notation où on n'arrête pas de se comparer les uns aux autres, au lieu de se dire que ce qui compte c'est que le maximum de gens arrive à un certain niveau. Pour nous, ce qui compte le plus c'est la question des bons élèves. Au nom des meilleurs, on sacrifie le bien commun. On s'intéresse aux bons élèves parce que c'est ce qui est le plus valorisant et les élèves médiocres on ne s'y intéresse pas. Alors qu'on devrait faire l'inverse.
Mais en temps qu'historien, je sais qu'il faudra beaucoup de temps. Au début du rapport Pisa en 2000, on ne parlait même pas du problème, il a fallu attendre 2006 pour parler des inégalités sociales. Aujourd'hui en 2016, c'est au centre du rapport, on ne va parler que de ça pour la première fois. Donc petit à petit, les choses évoluent. Et ce sera plus facile de changer si les gens comprennent à fond le problème. Je ne suis pas pessimiste mais ça va être long".
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