"J'ai vu naître le monstre": harcelé, ce journaliste s'interroge sur la modération de Twitter

L'ancien journaliste au Monde publie aujourd'hui "J’ai vu naître le monstre. Twitter va-t-il tuer la #démocratie?".
Il était un de ceux qui traque le vrai du faux sur Twitter. Samuel Laurent, journaliste au Monde, chef du service de vérification des faits, le “Fackt Checking”, publie une analyse de ce qu’il vécut en arpentant le réseau social.
“C’est devenu de plus en plus toxique et difficile parce que quand on fait de la vérification, on passe son temps à donner tort à un camp ou à un autre, à dire que cette information est fausse, ce qui ne vous attire forcément pas l’amitié des personnes qui y avaient cru. Ça s'est généralisé ces dernières années et j’ai vu monter cette colère, cette indignation généralisée. Twitter est un peu devenu cette machine à s’indigner en permanence. Et c’est très difficile du coup d’amener une parole modérée ou de raison où c’est plus facile d’être contre, d’être opposé de manière permanente. C’est le souci de Twitter, c’est cette culture du clash en permanence”, explique-t-il ce vendredi au micro de RMC.
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Lui-même a dû prendre ses distances avec Twitter après plusieurs vagues d’harcèlements qui l’ont fait s’interroger.
"J’ai été victime de plusieurs séries de harcèlement assez violentes avec des menaces de mort et des choses assez brutales et à un moment donné, je me suis dit à quoi bon. C’est arrivé après une dernière vague de harcèlement qui a duré plusieurs mois par les partisans LREM. Comme quoi, c’est dans tous les camps, ce n’est pas uniquement l’extrême-droite ou l’extrême-gauche. Aujourd’hui, je pense que tous les partis ont un peu leur armée de trolls, c’est une course à l’armement”, assure-t-il.
Pourtant, s’il émet dans son livre une critique forte de Twitter, on s’en qu’il y reste tout de même attaché.
“Je ne dis pas non plus que les réseaux sociaux sont bons à jeter à la poubelle. Il y a évidemment plein de bonnes choses aussi. C’est grâce à ces réseaux qu’il y a eu #Metoo par exemple. Il s’agit de trouver un moyen de les modérer”, indique le journaliste.
Un problème d'emballement
C’est peut-être en ce sens que l’Assemblée nationale a voté l’article 20 du projet de loi “Respect des principes de la République”. Celui-ci, voulu par le ministère de la Justice, permet de juger en comparutions immédiates les auteurs de délits comme les injures racistes, ou homophobes. Surtout, il oblige les entreprises comme Twitter à avoir un suivi des signalement fait au service de modération.
“Je pense que les réseaux et particulièrement Twitter mettent de la mauvaise volonté pour collaborer avec les forces judiciaires pour obtenir le vrai nom des personnes qui insultent, menacent, harcèlent. Il y a plein de cas de procès qui sont bloqués parce que Twitter, plus par manque de moyens que par mauvaise volonté, ne répond pas à temps aux injonctions policières”, indique Samuel Laurent.
Il conclut que le vrai problème, c’est surtout le phénomène d’emballement qui intervient sur ce réseau social.
"On n’attend pas l’enquête, on n’attend pas d’avoir du contradictoire et on y va avec des effets de meutes qui peuvent avoir des conséquences assez terrifiantes sur les gens qui en sont victimes. Une des questions à se poser, c’est l’influence qu’ont ces réseaux sur nous les journalistes qui les suivons quotidiennement et parfois au détriment des autres réseaux. Par exemple, les ‘gilets jaunes’, aucun journaliste n’a vu la montée de ce phénomène parce qu’ils étaient sur Facebook et nous journaliste on y est beaucoup moins”, précise-t-il.
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