Sélectionneur et entraîneur…
L’affaire Capello vient nous rappeler que le métier de sélectionneur et celui de coach de club sont différents. En France, Laurent Blanc semble aussi, parfois, avoir du mal à le comprendre.
Comme en France, l’Angleterre est confrontée en ce moment à une affaire relative à son sélectionneur national. Sur le fond, sans se soucier des éventuelles discussions ou arrangements ayant conduit à la démission de l’Italien, Capello quitte son poste en raison de divergences profondes avec sa fédération. En club, grâce à ses résultats, son CV, Capello demande et obtient toujours les pleins pouvoirs. D’autres ont également ce privilège (Wenger, Ferguson, Mourinho…) et tous les coachs rêvent de ce statut. Blanc a voulu et obtenu beaucoup suite à sa nomination, staff élargi et crédit aussi important qu’était mince celui de son prédécesseur.
Habitué au « luxe », Capello vient de prendre conscience qu’une hiérarchie existait, au-dessus de lui, aussi ! Le fond de l’affaire Terry importe peu, il ne pouvait pas se mettre en travers de la décision de sa fédé. Comme un ministre, un sélectionneur ça « démissionne ou ça ferme sa gueule ». En se prononçant contre sa fédé, Capello a brisé cette règle et de ce fait, doit partir. Est-il conscient ou non de sa faute ? Savait-il le risque qu’il prenait ? Là encore, peu importe. Car ce que révèle l’affaire, ce qu’elle confirme, ce qu’elle doit faire comprendre, c’est que ce métier de sélectionneur revêt un aspect clair et net de service public qu’on oublie trop souvent. Représentant de son pays, il a une responsabilité qui va au-delà de bien faire son métier d’homme de terrain. Décider seul que Terry était ou non excusable, qu’il fallait attendre que la justice se prononce ou je ne sais quoi alors que sa fédé considérait que le joueur avait fauté et que l’image de la sélection voire du pays ne pouvait supporter une telle tache, Capello n’avait pas le droit de le faire ! Vous me direz que cette idée qui emprunte à des concepts « flous » relevant parfois de la morale, est souvent foulée aux pieds, et vous aurez raison. Domenech aurait dû être renvoyé après chaque conférence de presse, sans parler de ses sorties lors de l’Euro 2008. Mais ne remuons pas le passé.
Au sujet de l’affaire Capello, le chef du gouvernement, David Cameron s’est exprimé. Preuve que contrairement à ce qu’on entend également trop souvent, le politique peut et doit participer à ces débats (le règlement FIFA sur ce point est discutable). Et même s’il a simplement déclaré qu’il regrettait le départ de Capello tout en soutenant clairement sa fédé, l’intervention est notable. Outre le premier ministre britannique, on a aussi entendu Wenger. Sans surprise et dans un élan corporatiste guère de bon aloi, il a affirmé soutenir son confrère. En substance son idée est que le coach doit décider de tout. De la part d’un entraîneur qui a toujours été réticent aux équipes nationales et qui a souvent déclaré ne pas s’intéresser à ce métier, le propos est logique. Wenger ne semble, en effet, apprécier les sélections que lorsqu’il doit honorer ses juteux contrats avec les télés.
Tout comme Capello ou Wenger, Blanc donne également l’impression de ne pas toujours saisir les contours de sa fonction. Les comptes qu’il doit rendre à sa fédé et plus largement aux fameux « 60 millions de sélectionneurs » semblent parfois lui échapper. Les sondages récemment publiés montrent d’ailleurs que le public français ne lui accorde pas un crédit à la hauteur de son CV. Oui Blanc, comme Capello, doit comprendre qu’il n’est pas jugé uniquement sur les résultats ! A force d’avoir vécu, de s’être construit autour du concept du résultat tout puissant, ils ont oublié tout le reste. Son salaire, ses avantages, dans un cadre privé, en club ne choque pas. En revanche qu’en Equipe de France il demande un staff qui coûte près de deux millions par an à la FFF peut effectivement choquer. De la même façon, que Le Graët impose ses conditions à la reconduction de son contrat est normal et logique. Au tennis, en Coupe Davis, on se souvient des polémiques autour du coach privé. Noah puis Forget avaient imposé une règle et les joueurs, même « indispensables », ne voulant pas s’y soumettre ne venaient pas en équipe de France. C’est la même idée qui pousse aujourd’hui la fédé à se priver de la meilleure joueuse française en Fed Cup.
Quand on interroge des coachs sur leur métier, ils disent souvent qu’entraîneur de club et sélectionneur, ce n’est vraiment pas pareil. J’ai l’impression que certaines différences leur échappent un peu trop souvent…
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