Stock de vaccins: l’étonnante stratégie de communication du gouvernement

Ce vendredi chez les GG, l’économiste de la santé Frédéric Bizard a analysé la communication autour de la stratégie vaccinale menée en France.
Comme d'autres pays européens, la France doit aussi faire face à une baisse des livraisons espérées de vaccins, aussi bien de la part de Pfizer/BioNTech que de Moderna ou d'AstraZeneca, et pour ce dernier avant même que l'Agence européenne du médicament (EMA) n'ait donné son feu vert, attendu vendredi après-midi.
Résultat, le gouvernement prévoit qu'en février seulement un million de personnes recevront la première des deux injections nécessaires, après plus d'1,4 million en janvier. S'ajouteront 1,4 million de deuxièmes injections, mais cette prévision est très inférieure au chiffre de 4 millions de personnes vaccinées fin février, récemment évoqué par le ministre de la Santé.
Un scénario prévisible selon Frédéric Bizard, économiste de la santé:
"On savait que ce qui est en train de se passer avait de grandes chances de se passer. Les vaccins ARN de Moderna ont un problème de disponibilité de matières premières produites en microgrammes qu’il faut maintenant produire en kilos. On savait très bien qu’il y aurait un goulot d’étranglement à ce niveau-là. On sait que quand on accélère les cadences, il y a un risque d’accident industriel comme en Inde où une usine a flambé ce qui a causé la chute des prévisions d’AstraZeneca".
Une pénurie prévisible mais que le gouvernement a choisi de ne pas bien expliquer aux Français, explique l'économiste: "Lorsque vous avez à gérer une pénurie, vous ne demandez pas à des millions de Français de prendre des rendez-vous. Il faut gérer la demande en envoyant des bons, comme en Allemagne, pour que les gens choisis viennent se faire vacciner".
"L'école dominante en France, c'est de penser que les Français ne peuvent pas comprendre les principaux enjeux en cours et donc on va lui raconter une belle histoire optimiste. Il faudrait plutôt de la pédagogie, de la prudence à partir du moment où l'on ne maîtrise pas les choses", a-t-il aussi analysé.
Reports de rendez-vous
Car "les laboratoires sont parfois extrêmement optimistes dans leurs prévisions", beaucoup trop? "Les laboratoires pharmaceutiques sont des entreprises privées qui ont à gérer un cours de bourse et les états ont à gérer une opinion publique. Les Etats doivent avoir une communication et une stratégie adaptées à cette dissymétrie. Donc plutôt que d’être excessivement optimiste et d’aller au 20h annoncer des prévisions que l’on sait que l’on ne pourra pas tenir".
Alors que la vaccination est ouverte pour les résidents en Ehpad et leur personnel à risque de formes graves, aux professionnels de santé de plus de 50 ans et fragiles, à des publics souffrant de certaines pathologies ainsi qu'à 5 millions de personnes âgées de plus de 75 ans, trois régions (Ile-de-France, Hauts-de-France, Bourgogne-Franche-Comté) ont annoncé jeudi le report de rendez-vous pour une première injection.
La suite de la campagne va aussi dépendre des détails de l'autorisation de mise sur le marché du vaccin AstraZeneca alors que la commission de vaccination allemande l'a déconseillé pour les plus de 65 ans.
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