Suicide des agriculteurs: "Il y a un acharnement administratif avec les mises aux normes", témoigne la veuve d'un exploitant agricole

Pour aider les agriculteurs particulièrement touchés par les suicides, Camille Beaurain veuve de l'un d'eux, plaide pour un accompagnement renforcé et veut favoriser les circuits courts.
Pour tenter d’enrayer les suicides chez les agriculteurs, le député LREM du Lot-et-Garonne Olivier Damaisin doit remettre ce lundi au Premier ministre un rapport présentant des pistes pour accompagner plus précocement les agriculteurs en difficulté. Car la profession est particulièrement touchée, un exploitant agricole se suicide tous les jours en moyenne selon les dernières statistiques (372 suicides en 2015), un chiffre en deçà de la réalité alerte le député.
"On espère que le rapport ne reste pas sur la pile du bureau et qu’on s’en occupe vraiment", témoigne ce mardi sur RMC Camille Beaurain, dont l’époux, agriculteur, s’est donné la mort il y a trois ans. "C’est de pire en pire, ça reste tabou mais il faut continuer à aider les agriculteurs et les accompagner le plus possible", déplore-t-elle, estimant qu’il y a un manque d’accompagnement de la part de l’administration agricole.
Car aujourd'hui, un agriculteur endetté, angoissé, n’a comme premier interlocuteur que la boite vocale du service Agri’écoute, mis en place par la sécurité sociale agricole en 2015. Un organisme qui ne va pas au devant des problèmes, et qui intervient souvent trop tard. Des syndicats, comme la Coordination Rurale, ont d'ailleurs monté leur propre plateforme et numéro vert pour appeler et identifier les agriculteurs qui sont en danger.
300 euros par mois pour deux, un seul week-end loin de l'exploitation en dix ans
"Il y a un acharnement administratif avec les mises aux normes. Actuellement c’est toujours compliqué, pour moi aussi", ajoute Camille Beaurain précisant ne pas voir d’amélioration. Et à la pression administrative s’ajoute des conditions de travail difficiles. En dix ans avec son mari, Camille Beaurain assure n’avoir pu quitter son exploitation qu’un seul week-end après longtemps avoir vécu avec seulement 300 euros par mois pour deux.
Conséquence, de nombreux agriculteurs sont touchés par le burn-out : "Le burn-out n’est pas juste un mot, c’est une maladie : certains n’en peuvent plus, les épouses aussi. Ont dit qu’il y a des divorces et de suicides et cela va continuer sans accompagnement".
Pour améliorer la situation des agriculteurs, Camille Beaurain plaide pour la démocratisation des circuits courts: "On l’a vu pendant le premier confinement avec les circuits courts. Certains étaient déjà dedans et on pu se développer. D’autres ont la possibilité de s’y mettre mais il faut leur en donner les moyens. Si on ne les aide pas ce sera compliqué".
Les éleveurs bovins les plus touchés
Le député Olivier Damaisin alerte aussi sur les relations avec les banques, évoquant un travail collosal: les relevés bancaires reçus par un agriculteur en difficulté portent souvent la mention "redressement judiciaire", sur l'envoloppe ce qui entraîne une stigmatisation certaine juge l'élu. Enfin, Olivier Damaison alerte sur ce qu'il nomme la "mode" de l’agri-bashing, les critiques, les attaques contre les agriculteurs, qui peuvent parfois tourner au harcèlement.
En attendant, la situation ne s’améliore pas. En juin dernier l'Observatoire national du suicide avait noté une "surmortalité statistique par suicide pour les exploitants agricoles, comparés à la population générale, particulièrement marquée chez les éleveurs bovins (lait et viande) âgés de 45 à 54 ans".
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