Tensions à Ajaccio: "On dirait la guerre. Ce n'est pas possible de vivre comme cela"

REPORTAGE - Un important dispositif de sécurité protégeait dimanche l’accès aux Jardins de l’Empereur à Ajaccio, après des incidents violents. Malgré l’interdiction, des manifestants se sont rassemblés pour le troisième jour consécutif en réaction à l’agression de deux pompiers et un policier.
La tension ne retombe pas depuis le guet-apens tendu par certains jeunes à des pompiers dans la nuit du 24 décembre dans le quartier des Jardins de l’Empereur, à Ajaccio. Ce dimanche, malgré l’arrêté préfectoral qui interdit de manifester, près de 300 personnes se sont donné rendez-vous dans le quartier pour un troisième rassemblement de soutien aux pompiers. Mais les manifestants n'ont pu entrer dans le quartier des Jardins de l'Empereur: en effet deux escadrons de gendarmerie et une demi-compagnie de CRS (soit près de 300 agents des forces de l’ordre, ndlr) assuraient un périmètre de sécurité.
"On restera dans les rues le temps qu'il faut"
Dès lors, contenus derrière des grilles de sécurité, les manifestants, drapeaux corses en mains, s’échauffent. "Mon frère est pompier et si c'est lui qui avait été dans le guet-apens, je pense que j'aurais pu en fracasser deux-trois (sic)", assure Eric, un jeune commerçant du centre-ville. Et d'expliquer pourquoi il continue de manifester malgré l'interdiction: "Quand on est là, ça se passe bien. Il n'y a pas bruit dans les quartiers, tout le monde est chez soi, il n'y a pas de racaille dehors (sic). On va donc encore faire durer ça deux-trois jours, histoire de bien faire comprendre que s'il y a encore un problème on sera là".
Après trois jours de manifestation, Marie, caissière de 53 ans, est bien déterminée à continuer à braver l’interdiction du préfet. "Je trouve que ce n'est pas normal que, en étant chez nous, on ne puisse pas continuer à rentrer dans le quartier. Ce n'est même pas une question d'être raciste, c'est un ras-le-bol. On est dans les rues et on le restera le temps qu'il faut", fait-elle savoir. De l’autre côté des grilles, à l’intérieur du quartier, les habitants sont terrorisés.
"Avoir tout un peuple contre vous…"
Volets fermés, calfeutré chez lui, Mohamed ne sait plus comment rassurer ses enfants: "Mon fils ne dort plus. Il ne vit plus chez moi. Je l'ai mis chez mes parents car il pleure tous les soirs. Il a été choqué par les bombes agricoles, les coups tirés. Il est traumatisé, il ne veut plus rentrer chez moi. Il me dit: 'Tant qu'il y a le bordel, je ne rentre pas'. Et il n'a que six ans…"
Nabil, 23 ans, lui, a le sentiment de vivre un couvre-feu depuis trois jours: "On dirait la guerre, ce n'est pas possible de vivre tous les jours comme ça… On est dimanche, personne ne peut sortir de chez soi. Il ne faut pas que ça continue comme ça". Et d'ajouter: "D'avoir toute une ville, toute un peuple contre vous… Alors que le quartier est contre ce qui s'est passé. Or, ceux qui prennent tout dans la gueule, ce sont les gens qui habitent ici alors qu'ils n'ont rien à voir". A noter que les forces de l’ordre resteront mobilisées dans le quartier tant que la situation ne sera pas apaisée.