Affaire des "écoutes" de Nicolas Sarkozy: tout ce qu'il faut savoir sur ce procès déjà historique

EXPLIQUEZ-NOUS - Le procès de Nicolas Sarkozy s’ouvre ce lundi devant le tribunal correctionnel de Paris. Il comparaît dans l’affaire dite “des écoutes". Voici ce qu'il faut en savoir.
C’est une première. Un ancien président de la République dans le box des accusés, poursuivi pour "corruption" et "trafic d’influence", c’est une image que l’on avait jamais vu.
Jacques Chirac avait bien été jugé en 2011 pour les emplois fictifs de la mairie de Paris, mais il n'était pas venu à son procès, il avait présenté un certificat médical.
Nicolas Sarkozy, lui, devrait être dans le box tout à l’heure mais sans doute pas pour très longtemps. Parce qu’un de ses co-accusés, l’ancien magistrat Gilbert Azibert, 74 ans, devrait être absent avec un certificat disant qu’il n’est pas en état de comparaître.
Logiquement, la présidente devrait demander une expertise médicale, et les audiences seraient alors suspendues le temps de faire cette expertise. Le procès Sarkozy pourrait ne réellement commencer que dans quelques jours.
Que reproche-t-on à l’ancien président?
D’avoir peut-être tenté d'échanger des informations confidentielles contre un coup de piston. En 2013, Nicolas Sarkozy attend une décision importante de la Cour de cassation dans l’affaire Bettencourt (pour laquelle il a obtenu un non lieu).
Son avocat, Thierry Herzog est en contact avec l’avocat général auprès de la Cour de cassation, Gilbert Azibert. Et Thierry Herzog appelle Nicolas Sarkozy pour lui laisser entendre que le magistrat pourrait les aider mais qu’en échange il faudrait l’aider à obtenir un poste prestigieux à Monaco.
Les écoutes téléphoniques ont enregistré l’avocat disant à l’ancien président en parlant du magistrat. "Il m’a parlé d’un truc. Il aurait besoin d’un coup de pouce pour Monaco." Et Nicolas Sarkozy répond dans un autre coup de fil. "Ok dis lui que je m’en occupe, je vais en parler au Prince."
Voilà, en gros ce qui a été qualifié de corruption et de trafic d’influence.
Téléphone secret, alias et voyoucratie
Ce qui est troublant, c’est que ces conversations entre Nicolas Sarkozy et son client se faisaient sur une ligne ouverte sous un faux nom. Thierry Herzog, pour dialoguer tranquillement avec son client, avait acheté un téléphone et une carte prépayée sous le nom de Paul Bismuth. Un des amis de lycée qui n’a pas apprécié d'être involontairement mêlé à cette affaire.
Dans son ordonnance de renvoi, le parquet estime que l’utilisation de téléphone sous un faux nom, ce sont des méthodes de “délinquants chevronnés”.
Nicolas Sarkozy, sur BFMTV il a 8 jours, a estimé que ce qui relève de la voyoucratie, c’est plutôt d'écouter les conversations d’un avocat avec son client.
Qui est la taupe?
Finalement Nicolas Sarkozy n’est pas intervenu auprès du prince de Monaco. Non et le magistrat n’a pas obtenu le poste qu’il convoitait. Et Nicolas Sarkozy n’a pas obtenu non plus la décision qu’il espérait de la Cour de cassation. Sur les écoutes on l’entend dire à son avocat qu’il n’est pas intervenu auprès des autorités de Monaco. Il dit : "Je ne l’ai pas senti, je n’ai pas eu envie."
Sauf que les magistrats ont soupçonné qu’il ait dit cela parce qu’il venait d'être informé qu’il était sur écoute. Et le parquet a alors lancé une vaste enquête pour trouver la taupe qui aurait informé l’ancien président.
On a épluché les relevés téléphoniques de dizaines de personnes, dont Éric Dupond-Moretti qui était furieux et qui avait porté plainte. Finalement on n'a jamais trouvé la taupe. Finalement une enquête a été ouverte pour savoir si les juges avaient le droit d'espionner ainsi des avocats, et l'enquête a conclu que oui.
Finalement Éric Dupond-Moretti a été nommé Garde des sceaux et il a retiré sa plainte. Cette partie de l’affaire a fait Pschitt.
Un sacré pack d'avocats
Il ne reste donc que le soupçon d’avoir essayé d’obtenir des infos contre la promesse d’un poste. Une intention qui n’a pas été suivie d’effet. Mais cette seule intention pour le parquet constitue un délit. Tout l’enjeu du procès sera de le prouver. Et l’accusation aura en face un sacré pack d’avocats.
D’abord deux des accusés: Nicolas Sarkozy, ancien avocat et Thierry Herzog, son défenseur depuis toujours. Et eux-mêmes sont défendus par deux ténors. Hervé Temime défend son confrère Herzog et Maître Jacqueline Laffont défend Nicolas Sarkozy. C’est une tueuse, qui va défendre un accusé qui n’a pas l’intention de se laisser faire.
Il risque d’y avoir du sang sur les murs.
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