Tout comprendre de la tentative de rachat de Carrefour par le canadien Couche-Tard

EXPLIQUEZ-NOUS - Le ministre de l’Economie s’oppose au rachat de Carrefour par un groupe canadien. Bruno Le Maire ne veut pas que le géant de la grande distribution passe sous pavillon étranger. Voici pourquoi.
Carrefour, c’est la France. Comme Renault, comme L’Oréal, comme Air France, il y a des marques que l’on ne veut pas abandonner. Officiellement ce n’est pas la raison. La raison évoquée par Bruno Le Maire, c’est la souveraineté alimentaire et la sécurité alimentaire dont nous devons garder le contrôle.
“On fait comment” s’est demandé le ministre "si demain il n’y a plus de pâtes, ou plus de riz dans les rayons". Comme si les Canadiens ne savaient pas vendre des pâtes. Et comme si il n’y avait qu’une chaîne d'hypermarché en France.
La vérité, c’est que Carrefour est le premier employeur privé de France, avec plus de 100.000 employés en France et 320.000 dans le monde. C’est un géant mondial, une fierté pour le pays. Et le ministère de l’Economie va donc s’opposer à la prise de contrôle de Carrefour par le groupe canadien Couche-tard.
Et il le peut, il y a des mécanismes pour bloquer la prise de contrôle d’un groupe français par des étrangers.
Qui est ce groupe canadien Couche-tard qui avait donc fait une offre de rachat?
Comme son nom l’indique, c’est un groupe québécois de magasins pour les couche-tard. En fait, une chaîne de superettes ouvertes 24 heures sur 24. On y trouve des produits alimentaires, des cigarettes, des journaux et de l’essence. En québécois on appelle cela un “dépanneur”, on y va se dépanner lorsqu’on n'a pas eu le temps d’aller au supermarché.
Le fondateur du groupe Alain Bouchard a 71 ans aujourd’hui. Il a commencé en rachetant une petite épicerie dans la grande banlieue de Montréal. Puis une deuxième et une troisième. Puis le groupe "couche tard" qui avait onze dépanneurs. Puis une chaîne de 1.000 magasins en Ontario, puis encore plusieurs milliers de magasins à New York. Encore récemment, 340 supérettes à Hong Kong. Aujourd'hui le groupe emploie 130.000 personnes dans 27 pays. Et Monsieur Bouchard est toujours aux commandes. Il est l’homme le plus riche du Québec mais vit assez modestement. C’est un vrai francophone qui parle à peine anglais.
Le groupe Couche-tard est tout de même beaucoup plus petit que Carrefour
C’était David contre Goliath. C’était la grenouille qui voulait se faire plus grosse que le bœuf, et qui voulait surtout manger le bœuf. Couche-tard est exactement deux fois plus petit que Carrefour par son chiffre d'affaires. Mais le petit canadien fait deux fois plus de bénéfice que le gros français. Couche-tard est hyper rentable et dispose d’un gros trésor de guerre.
La devise d’Alain Bouchard c’est que dans le business on ne fait jamais de sur place. Soit on avance, soit on recule. Et il voulait donc avancer avec le rachat de Carrefour qui aurait été le plus gros de son histoire et qui aurait donné naissance à un géant mondial.
Est-ce que ce mariage pouvait être un succès ? Être gagnant pour tout le monde ?
C’est ce qu’on ne saura jamais, puisque les autorités françaises s’y opposent. Le calcul des canadiens c’est que les deux groupes pouvaient être complémentaires. "Couche tard" est très présent en Amérique du nord, là où aucun groupe de distribution français n’a jamais réussi à s’implanter.
Et puis Couche tard, c’est le roi des petites surfaces alors que Carrefour est le géant des hypermarchés. Les deux groupes avaient peut-être les moyens de s’enrichir l’un l’autre. L’objectif était de lutter contre leur vrai concurrent: le commerce en ligne.
Le groupe "Carrefour-Couche tard" aurait eu une ambition: regarder Amazon droit dans les yeux.
Du coup Carrefour va continuer sa route tout seul
Oui et sans doute continuer à grossir. Comme "Couche tard", Carrefour est un groupe qui avance en rachetant ses concurrents. Depuis l’ouverture du premier supermarché à Annecy en 1959 et du premier hypermarché à Sainte Geneviève des Bois en 1963, l’enseigne voit toujours plus grand.
Elle compte plus de 1.200 hypers dans le monde entier. Elle a connu une période difficile mais ça va mieux. L’année des confinements a été une excellente année puisque le supermarché est le dernier endroit où on a le droit de sortir.
Carrefour va plutôt bien et Carrefour restera français. Cela s’appelle le patriotisme économique.
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