Une femme sur deux a peur dans les transports: "on a toutes été victimes d'agression au moins une fois"

56,3% des femmes sont inquiètes dans les transports en commun, selon une enquête de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme (IAU). Un chiffre qui n'étonne pas Alma Guirao qui a créé l'application HandsAway. Celle-ci permet de signaler des lieux d'agressions et de bénéficier d'un réseau de soutien.
Alma Guirao a créé l'application HandsAway:
"Le nombre de femmes qui ont peur dans les transports ne m'étonne pas du tout. Je me suis rendue compte avec l'appli HandsAway que les femmes ne se sentent pas du tout à l'aise, notamment dans les transports en commun. Il y a une telle proximité entre les gens qu'il y a pas mal d'agressions sexistes et sexuelles. Beaucoup de femmes envoient des alertes sur l'application en disant qu'un homme s'est collé ou frotté, qu'un homme l'a touchée ou suivi dans les couloirs du métro. Tard le soir, il y a une vraie crainte parce qu'il y a des couloirs où il y a des caméras mais on sait très bien qu'elles ne sont pas tout le temps allumées.
On a toutes été victimes au moins une fois d'agression dans les transports en commun ou dans la rue. Les femmes se collent dos à la vitre pour être en face des gens, on commence à perdre cette liberté dans les transports en commun parce qu'on sait très bien qu'avec la proximité de certains hommes, il peut se passer des choses.
"La goutte d'eau qui a fait déborder le vase"
J'ai décidé de faire cette appli en 2016, elle a été lancée en octobre. C'était suite à un ras-le-bol complet. J'ai été moi-même victime d'agressions sexistes et sexuelles de trop nombreuses fois. Le dernier, c'était dans le métro: un homme a sorti son sexe devant moi. Les gens ont vu et n'ont rien fait. J'étais absolument tétanisée, je ne savais pas quoi faire, finalement j'ai quitté ma place.
Ça a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Ça a été un ras-le-bol total. Je me suis dit qu'il fallait agir. En général, on ne se sent pas légitime d'aller porter plainte. C'est tellement banal et quotidien qu'on ne le fait pas. On se dit que ce n'est qu'une insulte, que ce ne sont des actes isolés, et il ne se passe rien derrière.
"Lever l'omerta sur ce sujet"
J'ai rencontré beaucoup de femmes qui m'ont dit qu'elles n'en pouvaient plus, qu'elles avaient peur de prendre le métro, qu'elles en avaient marre de se demander ce qui allait se passer si elles sortaient en robe.
Du coup, l'idée c'est de lever l'omerta sur ce sujet-là, de donner la parole d'une façon digitale aux femmes. L'appli permet de lancer une alerte géolocalisée, de se livrer instantanément, et de bénéficier d'un réseau de soutien. Et de permettre aux femmes d'éviter certains lieux.
On est parti d'un constat qui est qu'entre citoyens et citoyennes on ferme les yeux. On n'agit pas forcément lorsque l'on est témoin d'agression sexuelles. J'ai bien vu lorsque j'ai été victime d'un exhibitionniste que les gens tournaient la tête. Ils ne savaient pas comment faire. Il faut absolument concerner les gens. Grâce à l'appli on veut leur faire prendre conscience qu'on est tous concernés, que c'est un phénomène récurrent. Et on veut créer cette entraide qui fait défaut dans notre société.
Les mesures de prévention sont une bonne chose. Mais il faut maintenant être beaucoup plus dans l'action".
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