Une de trouvée, dix de perdues !
Si je vous dis Éducation nationale, vous répondez fonctionnaires donc privilégiés. Alors, permettez-moi de vous présenter Janique. Recrutée en Contrat d'avenir, elle assure l'aide au quotidien dans une école depuis 3 ans : tâches administratives et matérielles, informatique, bibliothèque, accueil... Cela 26 heures par semaine pour un salaire mensuel de 830 €. Comme Janique est aussi déterminée que la durée de son contrat, celui-ci a déjà été renouvelé à trois reprises ! Mais au 1er juillet, comme 30.000 autres, elle sera (re)mise au chômage. Douloureux retour à la case départ avec entre temps une crise de l'emploi inédite. L'État, chargé de lutter contre la précarité, y recourt finalement au-delà de ce qui est permis dans le privé.
La situation est kafkaïenne : une personne sans emploi s'insère dans une équipe éducative, découvre les enseignants, les élèves, les familles et le système éducatif. Elle prend de plus en plus d'initiatives au point de devenir incontournable pour la bonne marche de l'établissement. Et quand elle est totalement efficace... on la met dehors ! Comme ça, sans indemnité, avec pour seule formation 3 heures de stage... le dernier jour du contrat ! Pas de rendez-vous prévu, ni de validation des acquis, jamais vu le tuteur promis et même incapacité de lui dire à quoi elle aura droit pour vivre le mois prochain !
Côté école, tout le monde va être perdant. Janique le reconnaît elle-même : elle n'imaginait pas qu'il y avait tant à faire. Mais si le travail à accomplir existe, il ne correspond à aucun poste, aucun statut. Pour faire face aux difficultés sociales et aux besoins des établissements on inventera demain un autre contrat encore moins intéressant, toujours plus fragile. Devant l'indécence qu'il y a à renvoyer des gens au chômage en pleine crise, notre ministère réagira-t-il dignement ? Bientôt, au Pôle emploi, on demandera à Janique ce qu'elle veut faire, et elle répondra « Mais ce que je faisais avant que vous me mettiez à la porte ! ».
Sylvain Grandserre
Votre opinion