Variant brésilien: pourquoi la ville de Manaus inquiète-t-elle les spécialistes du coronavirus?
EXPLIQUEZ-NOUS - La ville de Manaus au Brésil est touchée par une terrible deuxième vague de l’épidémie, alors qu’on la croyait protégée par une immunité collective.
Manaus est une ville qui est un cas à part dans l’histoire de cette pandémie. C’est la capitale de l'Amazonie, une ville de 2,2 millions d'habitants, deux ou trois fois plus grande que Marseille. Elle a la particularité d'être pratiquement impossible à rejoindre par la route. On n’y vient que par avion ou par bateau, elle est donc très isolée au milieu de la plus grande forêt du monde.
Au printemps dernier, elle a été très durement touchée par la première vague de l’épidémie. Au point qu‘on estimait que 3 habitants sur 4 avaient été en contact avec le virus. Chiffre confirmé en octobre par une étude publiée dans la revue Science. 75% de la population porteur d'anticorps, c’est ce qu’on appelle l’immunité collective, le moment où le virus disparaît parce qu’il n’y a plus assez de gens à contaminer.
Manaus, à l’automne, avait été présentée comme la première ville du monde qui bénéficiait de cette immunité collective.
Malheureusement, une deuxième vague est arrivée et l’on s’est aperçu que la ville n’était pas protégée
Très mauvaise nouvelle. Avoir été très touchée la première fois ne protège pas d’un deuxième Tsunami. Alors que la ville avait recommencé à vivre normalement, sans couvre-feu, ni confinement, avec les bars et les restaurants ouverts, le nombre de cas a commencé à remonter début décembre.
Et depuis une semaine, la situation est hors de contrôle. Les services funéraires ne peuvent plus enterrer tous les morts. Des camions frigorifiques sont réquisitionnés pour les conserver. On a, comme au printemps, commencé à creuser des fosses communes à la pelleteuse.
Ce sont des images très dures, heureusement très rares et c’est un signe qui ne trompe pas : quand les autorités sont débordées par les morts, c’est que la situation est hors de contrôle. C’est le cas à Manaus.
La situation est aussi chaotique dans les hôpitaux
Voir désespérée parce que les malades souffrent principalement d'insuffisance respiratoire que l’on soigne avec de l’oxygène. Et la pénurie est totale. Les soignants avouent être obligés de choisir ceux qui reçoivent des soins et ceux que l’on laisse mourir d'asphyxie. Les familles de malades courent la ville à la recherche de bonbonnes d'oxygène. Leurs prix atteignent des fortunes au marché noir. On lit des témoignages de gens qui vendent leur voiture pour une bonbonne.
La presse brésilienne décrit aussi des malades laissés sans soins dans des ambulances sur les parking des hôpitaux. Avec retard, le gouvernement brésilien a pris conscience du problème et organisé depuis le dernier week-end, un pont aérien.
Des avions militaires apportent de l'oxygène et repartent avec des malades transférés vers d'autres régions du brésil. Par exemple, 60 nourrissons prématurés évacués par avion vers l'hôpital de Sao Paulo. Je ne sais pas si vous imaginez l’image de 60 berceaux dans un avion militaire, c’est effectivement le chaos.
Le responsable de cette deuxième vague, c’est un nouveau variant du virus
Celui que l’on a d’abord appelé le variant japonais, avant de comprendre qu’il vient en fait du Brésil. Une souche que l’on appelle P1 et qui contient un large éventail de mutations. L’une d’entre elle est jugée plus inquiétante parce qu’elle diminue la neutralisation du virus par les anticorps. Pour être plus clair, ceux qui ont déjà été malades ne sont pas du tout protégés naturellement.
Que sait-on de l’efficacité des vaccins contre ce variant?
Et bien on ne sait pas encore. Le Brésil n’a commencé que lundi sa campagne de vaccination avec un vaccin chinois. La semaine dernière, Pfizer a indiqué que son vaccin était efficace en laboratoire contre le variant anglais. Mais pour le brésilien, il n’a pas encore de résultat. On croise les doigts...
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