Violences à Marseille: "La tête ouverte, ils continuaient à se battre"
TÉMOIGNAGES - Marseille se réveille groggy, ce dimanche, au lendemain de très violents affrontements entre supporters anglais et russes, mais aussi des Marseillais. Quelque 31 personnes ont été blessés, dont quatre gravement. Un Anglais est entre la vie la mort.
De violents affrontements ont éclaté samedi à Marseille, en marge du match Angleterre-Russie. Plusieurs centaines de hooligans ont envahi le centre-ville, notamment le Vieux-Port. Selon la préfecture, les violences ont fait 35 blessés, dont une personne entre la vie et la mort. Il s'agit d'un supporter anglais d'une cinquantaine d'années, qui a été victime d'un arrêt cardiaque. Trois autres personnes ont été elles aussi gravement blessées, mais leur pronostic vital n'est pas engagé.
Par ailleurs, trois policiers ont été légèrement blessés. Six personnes ont été interpellées. Quelque 1200 policiers sont intervenus avec des gaz lacrymogènes. Les violences sur le Vieux-Port ont duré une heure et demie, entre 16h et 17h30. Avant et après le match, quelques incidents se sont produits.
"Ils rigolaient et ils se faisaient très mal"
Et dans la cité phocéenne, les habitants restent très marqués par les violences inouïes qui ont émaillée cette journée. Les plus violents affrontements entre supporters ont dû éclater entre 16h et 18h sur le Vieux-Port. Sophiane était présent à ce moment-là.
"Il doit y avoir des milliers de bouteilles de Heineken par terre", explique-t-il ce dimanche, au micro de RMC. "Je les voyais lancer les bouteilles encore pleines. Ils les ouvraient, buvaient une gorgée et les lançaient. Ce sont des animaux. C'était des charges des Russes. Une fois que les Russes avaient fini de charger, c'était les Anglais qui chargeaient. C'était chacun leur tour, pendant une demi-heure à peu près. Et on ne voyait toujours pas des policiers intervenir. Je le voyais, c'était pour le fun. Ils rigolaient et ils se faisaient très mal. Il y en avait qui avaient la tête ouverte, mais ils continuaient. La tête ouverte, ils continuaient à se battre".
"Ils gâchent la fête"
Les rues étaient jonchées de tessons de bouteille, les poubelles, renversées. La plupart des restaurateurs ont alors tiré leur rideau, à l'image de Sébastien.
"On attendait plutôt le côté festif", raconte-t-il. "Surtout, faire marcher la ville. Et là, avec tous ces incidents-là, on est obligé de fermer tous les établissements. Et c'est vraiment dommage pour Marseille, c'est un gros manque à gagner. C'est vrai qu'ils gâchent la fête. C'est vraiment le mot. Même moi, là, je viens de me prendre un gaz lacrymogène, alors que j'étais complètement étranger à tout ça".
Ce dimanche matin, beaucoup se demandent à Marseille si de tels affrontements auraient pu être évités. Le commissaire en charge de la lutte contre l'hooliganisme, Antoine Boutonnet, a affirmé que la "suralcoolisation" des hooligans avaient entraîné ces émeutes.
Interdire la vente d'alcool pendant les matchs?
Pour Samia Ghali, maire PS des 15ème et 16ème arrondissements de Marseille, il fallait interdire la vente d'alcool avant ce match.
"Moi, j'étais pour l'interdiction du débit d'alcool sur la ville pendant ces matchs que l'on sait, aujourd'hui, dangereux: la vente d'alcool à emporter, dans tous les supermarchés, déjà. Ici, il y a des bars qui se sont organisés avec des verres en plastique - c'est déjà mieux - mais si de ce côté-là, on fait des efforts, mais de l'autre côté, on voit malheureusement des bouteilles de verre partout, qui ont servies de projectiles… oui, c'est malheureux", regrette Samia Ghali, au micro de RMC. "Le Vieux-Port est jonché de canettes de bière, de bouteilles de verre. Peut-être que ça aussi, il fallait l'anticiper. On a des hooligans, qu'ils soient russes ou anglais, qui sont venus en découdre, et on leur donne les armes pour se tuer".
"Les autorités anglaises ont laissé ces hooligans venir"
Pour l'élue marseillaise, il est intolérable que des hooligans anglais soient présents en France.
"Je ne comprends pas que l'on se soit retrouvé avec des hooligans qui n'avaient rien à faire sur le Vieux-Port, qui n'avaient rien à faire en France et qui auraient dû rester en Angleterre", peste-t-elle sur notre antenne. "Je ne comprends pas que les autorités anglaises aient laissé ces hooligans venir à Marseille, pour commettre ce qu'ils ont commis. C'est inacceptable. D'ailleurs, je pense qu'il faut leur demander des comptes. Et comment nous, en France, on les a laissés rentrer, alors que ce sont des gens qui sont fichés. C'est très clair. On est en état d'urgence, on nous a expliqué ça. Bah, drôle d'état d'urgence, aujourd'hui".
"Des gars en sang de partout"
Hakim, commerçant à Marseille, est dépité par ce déchaînement de violences:
"C'est violent. J'ai vu des gars bien amochés: des trous dans la tête, dans les jambes… Je sais que des Anglais se sont battus contre les Russes, et après, se sont mêlés des jeunes de Marseille, aussi. Moi, je trouve ça horrible. J'ai vu des gars, c'était horrible à voir. Des gars en sang de partout… Ils se sont frappés à coup de bouteilles. Il y en a qui frappaient avec des barres. C'est pas normal. On est là pour travailler, pour faire la fête. Oui, ça gâche la fête. On fait de gros événements pour le rugby: il y a peut-être plus de monde que là, tout se passe bien, il n'y a pas de débordement".
Une bagarre a également éclaté samedi soir à Nice, peu après la fin du match Angleterre-Russie, impliquant une trentaine de Niçois et des supporters nord-irlandais, s'affrontant à coups et des jets de bouteilles. La police est intervenue pour les séparer. La préfecture décompte sept blessés dont un souffrant d'un traumatisme crânien.