Claire, victime de violences sexuelles: "J'ai crié dans le vide"

TÉMOIGNAGE – L'association "Mémoire traumatique et Victimologie" publie ce lundi un rapport sur les conséquences des violences sexuelles pendant l'enfance et l'adolescence et les moyens de les atténuer. Claire, victimes d'agressions sexuelles et d'un viol à l'âge de 16 ans, raconte son calvaire sur RMC.
Ce sont des violences qui accompagnent les adultes toute leur vie. 80% des victimes de violences sexuelles subissent leur première agression avant l'âge de 18 ans, selon une étude réalisée par l'association "Mémoire traumatique et Victimologie", en partenariat avec l'UNICEF, et intitulée "Impact des violences sexuelles de l'enfance à l'âge adulte". Des agressions lourdes de conséquences à l'âge adulte: selon cette étude publiée ce lundi, 95% des personnes interrogées déclarent que le viol qu'elles ont subi a eu un impact sur leur santé physique et mentale. Une victime sur deux, agressée dans l'enfance, a d'ailleurs tenté de se suicider. La faute à une prise en charge inefficace.
"Je me suis mis à boire, parce que je voulais mourir"
Claire, victime de violences sexuelles et d'un viol durant son adolescence, a accepté de témoigner pour RMC. Sa vie a basculé lorsqu'elle avait 16 ans. A l’époque elle consulte régulièrement un psychiatre. Et peu à peu, l’adolescente tombe sous l’emprise du médecin. "Ça s'est traduit par des agressions sexuelles et un viol. Il a fait usage de ces connaissances thérapeutiques pour essayer de cautionner ses actes", raconte Claire. Les agressions vont se répéter pendant un an, mais Claire va garder le secret une dizaine d’années. Une période de souffrance qui dure encore aujourd’hui: "Je sursaute extrêmement facilement quand des gens surgissent brutalement dans des pièces. J'ai aussi des blocages au niveau cervical qui sont très douloureux. A un moment je me suis mis à boire, parce que je voulais mourir".
Pendant des années Claire a essayé d’alerter sur ses souffrances en vain: "J'ai crié dans le vide. Et il y a toujours des gens pour dire 'moi à ta place j'aurais fait ça, je n'y serais pas allé, j'aurais crié. Tu ne devais pas être très mure pour ton âge'. C'est quand même incroyable !". "Ce ne sont pas seulement les agresseurs qui font des choses de grave, mais aussi les gens qui tournent le dos, qui banalisent, dénonce-t-elle. Évidemment que ce n'est pas agréable à écouter comme souffrance, mais d'un autre côté, être laissée seule, c'est… Est-ce qu'on laisse seule une victime de la route ?", interroge-t-elle. A 42 ans Claire n’a pas tourné la page. Il lui faut toujours beaucoup de temps avant d’accorder sa confiance à quelqu’un.
"Le vrai problème, c'est que personne ne pose la question aux enfants"
Les associations dénoncent un "abandon social des victimes" et veulent inciter les pouvoirs publics à mieux les repérer. Elles réclament la mise en place d'un "plan violences sexuelles", une meilleure formation des étudiants en médecine et des professionnels de santé et la création de centre de soins dans tout le pays. "Le vrai problème n'est pas que les enfants ne parlent pas, c'est que personne ne leur pose pas la question", pointe Laure Salmona, membre de l'association "Mémoire traumatique et Victimologie", qui a rédigé le rapport d'enquête sur l'impact des violences sexuelles.
Selon elle, la prise en charge des victimes d'agressions sexuelles n'est pas efficace. "Les professionnels de la santé, du social, de l'éducation, doivent poser la question dès qu'un enfant change de comportement : si ces résultats scolaires chutent, s'il souffre de troubles alimentaires ou fait des cauchemars… Il faut poser la question aux enfants : 'As-tu subi des violences ? Tu peux m'en parler'. Mais il faut pour cela que les professionnels soient formés. Pour améliorer la prise en charge, il faut former les professionnels pour pouvoir dépister les victimes de violences sexuelles".
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