Le gouvernement se dirige vers la création d'un "compte individuel-pénibilité" dans le cadre de la réforme des retraites, a confirmé ce mardi matin Jean-Marc Ayrault, lors de la visite du chantier d'un tramway dans les Yvelines, en région parisienne. Accompagné des ministres du Travail et des Affaires sociales, Michel Sapin et Marisol Touraine, le Premier ministre est allé à la rencontre d'ouvriers travaillant de nuit sur le percement d'un tunnel, un déplacement destiné à illustrer le thème de la pénibilité au travail.
Jean-Marc Ayrault a confirmé que son gouvernement réfléchissait à l'idée évoquée dans le rapport Moreau de mettre en place « un compte d'épargne » qui attribuerait des points aux salariés qui travaillent dans des conditions pénibles, comme de nuit ou en étant exposés à des produits toxiques. Le Premier ministre a évoqué des « crédits de formation » ou « des points qui permettraient de gagner des trimestres et de partir plus tôt à la retraite ». « C'est à cela que nous réfléchissons », a dit le Premier ministre, ajoutant qu'une nouvelle concertation aurait lieu les 26 et 27 août avec les partenaires sociaux et que le projet de loi serait bien en conseil des ministres le 18 septembre.
« Il faut que Jean-Marc Ayrault prenne ses responsabilités »
Pour la CGT, cette proposition ne va pas assez loin. Le syndicat propose un classement avec trois formes de pénibilité : les contraintes physiques, l'environnement agressif et le rythme de travail. L'exposition d'un salarié à un ou plusieurs de ces critères donnerait droit à un départ anticipé à 55 ans, voire avant « pour certains métiers ». Gérard Rodriguez est en charge des questions de pénibilité à la CGT. Il pense notamment aux égoutiers, qui travaillent à la fois dans l’insalubrité et dans des conditions difficiles : « La question posée concrètement est celle de la réparation. On a des salariés passé 50 ans, pour lesquels les dix dernières années d’activité vont être particulièrement difficiles. Pour ces salariés, on demande un départ anticipé dans certaines situations, un départ qui doit intervenir avant 55 ans » explique-t-il.
Mijo Isabey s'occupe de la question de la pénibilité à la CGT. Elle demande à Jean-Marc Ayrault d'arrêter les effets de communication : « Il faut qu’il prenne ses responsabilités pour que dans la future réforme des retraites, les salariés puissent partir plus tôt. Les réformes successives qui ont eu lieu n’ont pas tenu compte de la pénibilité. Il est plus qu’urgent que des mesures très concrètes soient prises pour que des salariés qui ont déjà été exposés puissent partir dès 55 ans en retraite, et pas simplement de pouvoir partir pour certains d’entre eux à 60 ans, comme le préconise le rapport Moreau ».
Une réforme jugée explosive
Jean-Marc Ayrault n'a pas répondu aux questions sur le coût de ce nouveau dispositif pour traiter la pénibilité au travail. Cette réforme inquiète les milieux patronaux qui veulent éviter une nouvelle ponction sociale sur les entreprises. Selon des informations de presse, le gouvernement songe en effet à financer le volet pénibilité de la réforme des retraites via de nouvelles cotisations.
Le Premier ministre a indiqué qu'aucun arbitrage n'avait été fait pour l'heure mais que la question de la compétitivité des entreprises serait prise en compte.
Confronté à l'opposition des syndicats CGT et FO qui refusent la piste d'un allongement des durées de cotisation, le gouvernement cherche néanmoins aussi à donner des gages pour réussir une réforme jugée explosive. « Pour nous qui sommes attachés à un certain modèle social français, si l'on veut qu'il vive, il faut aussi prendre en compte les attentes qui sont fortes des salariés en particulier ceux qui travaillent dans des conditions pénibles », a jugé le chef du gouvernement.
Promise par François Hollande pour garantir la pérennité du système français par répartition, la réforme des retraites devrait déboucher sur un allongement de la durée de cotisation et une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) ou de la TVA pour boucler son financement.
Selon Le Figaro daté de mardi, le gouvernement pourrait décider d'allonger la durée de cotisation à partir de 2020 et de financer la réforme à court terme exclusivement par la hausse des prélèvements obligatoires.
La CGT appelle à manifester le 10 septembre contre la réforme des retraites.
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