En mettant en scène une guerre des civilisations, on fait le marketing de Daesh

Attention à ne pas tomber dans le jeu de Daesh. C'est l'avertissement que donne Raphael Liogier, sociologue spécialiste du fait religieux, et auteur de la guerre des civilisations n’aura pas lieu (éditions du CNRS). "Parler de guerre de l'islamisme contre notre civilisation est une absurdité", estime le sociologue, invité ce vendredi de Jean-Jacques Bourdin.
"D'un côté on met en scène une sorte de guerre de civilisations - et là on fait le marketing de Daesh, puisque c'est son label-, et sur le fond, on n'arrive même pas à coordonner nos renseignements à l'échelle européenne, donc on n'arrive pas à être efficace".
Avant tout d'anciens délinquants
Raphaël Liogier rappelle que la plupart des terroristes responsables des attentats de Paris et de Bruxelles sont avant tout d'anciens délinquants. "Autant ceux qui partent en Syrie ont un profil extrêmement varié, qui peut aller de salafiste à fraichement converti, autant ceux qui commettent des attentats sur le sol français ont un profil commun: ils viennent quasiment tous du petit banditisme".
"En général, ce sont des gens qui ont cherché à être des caïds mais qui ont raté leur carrière. C'est là-dessus que Daesh joue, contrairement à Al-Qaïda", écrit-il dans son livre. C'est donc surtout une guerre contre la délinquance et le banditisme qui doit être menée en parallèle.
"Ces délinquants ne se réunissent pas dans un but terroriste"
Une réalité qui n'est pas bien prise en compte selon lui par nos autorités, qui se focalisent trop sur les fondamentalistes. Il explique : "Dans les années 90 on pouvait repérer des futurs terroristes dans les milieux fondamentalistes. Mais aujourd'hui on a une séparation entre des fondamentalistes axés sur les questions de mœurs - "qui veulent ressembler à des bédouins du Vie siècle" - et de l'autre côté on a de nouveaux voyous presque tous passés par la délinquance, qui se réunissent et qui sont embrigadés par Daesh à travers Internet, qui leur fournit une logistique dans un but terroriste. Mais ils ne se réunissent pas dès le départ avec ce but".