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Les donuts ont fait leur trou en France, mais peuvent-ils vraiment détrôner le croissant?

Des donuts photographiés le 9 mai 2016 à Miami, en Floride (photo d'illustration).

Des donuts photographiés le 9 mai 2016 à Miami, en Floride (photo d'illustration). - JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

En plus des deux géants américains du donut Krispy Kreme et Dunkin', de nombreuses franchises locales se développent en France. Le beignet troué est de plus en plus consommé. Mais peut-il vraiment s'imposer au pays des viennoiseries?

Plusieurs Franprix de Paris ont récemment pris des airs de Kwik-E-Mart, l'épicerie fictive dans la série américaine Les Simpsons où son héros Homer achète ses donuts tant chéris. Depuis ce mercredi 19 mars, sept magasins accueillent au milieu des rayons d'imposantes armoires vertes, estampillées "Krispy Kreme" et remplies de beignets troués.

Cette célèbre marque américaine de donuts investit la grande distribution un peu plus d'un an après son arrivée en France. En décembre 2023 elle avait ouvert une première boutique au Forum des Halles à Paris. Et entre-temps, 18 autres points de vente ont été inaugurés dans la capitale et en banlieue.

"Dès notre premier jour, on savait qu'on arriverait dans des commerces de proximité. C'est le principe même de Krispy Kreme qui, aux États-Unis ou dans d'autres pays comme en Angleterre, est présent aussi bien dans des supermarchés, des boutiques, des kiosques...", explique le directeur général de l'enseigne en France, Alexandre Maizoué.

Cet entrepreneur ne se cache pas de vouloir faire entrer cette pâtisserie dans les us et coutumes des consommateurs Français. Il parle même de les "évangéliser" à ce produit. Une conversion pas si évidente, tant nous entretenons déjà une relation si pieuse avec le croissant, le pain au chocolat, les chouquettes et autres viennoiseries.

Une arrivée tardive en au pays des viennoiseries

C'est d'ailleurs pour cette raison que Krispy Kreme est arrivé si tard dans l'Hexagone, alors qu'il s'était déjà exporté dans une trentaine de pays. "On a toujours eu de très grosses interrogations car on nous disait qu'il n'y avait pas de marché", concède Alexandre Maizoué.

Le contexte actuel semble pourtant montrer que le donut dépasse la simple tendance, et qu'il s'agit bien d'un petit phénomène conso. Krispy Kreme en a vendus six millions en 2024, selon son directeur. Un succès qui montre qu'il existe bien un marché, et lui permet d'envisager de s'étendre à d'autres villes en dehors de l'Île-de-France d'ici deux ans. Mais surtout qui attire d'autres franchises.

En juillet 2024 l'autre géant américain du donut, Dunkin', a annoncé son implantation future sur le marché français. Et surtout à travers toute la France, les boutiques de donuts commencent à se multiplier, sous des franchises locales.

Un développement manifeste mais à relativiser?

On commence effectivement à en recenser de plus en plus. Parmi elles Dreams Donuts, la plus importante avec ses quelque 80 magasins maillant presque tout le territoire de la grande métropole à la ville moyenne. Ou encore Donuts & Donuts et sa vingtaine de points de vente situés surtout dans le Nord, notamment à Lille où l'enseigne en compte trois. Et on ne compte pas tous les commerces qui se lancent sans franchise...

Malgré un développement manifeste, il y a tout de même de quoi relativiser. Le donut à réussi à se tailler une petite place dans la consommation française. Mais comme l'analyse Bernard Boutboul, expert de la restauration, cette place n'a rien à voir avec celle qu'il occupe dans d'autres pays.

"Aux États-Unis, le donut est pris au petit-déjeuner. On en ramène des boîtes de 12 au bureau le matin pour les collègues. En France, on n'en est pas là, il y a encore un trop grand gap culturel. Le Français peut se mettre à acheter un donut de temps en temps, mais il continuera d'amener ses croissants et chouquettes au bureau", considère celui qui dirige le cabinet de conseil aux entreprises de restauration Gira.

Les 6 millions de donuts vendus par Kriskpy Kreme sont donc à mettre en contraste avec les quelque 2 milliards de croissants vendus chaque année.

Le donut peut en outre soufrir d'une mauvaise réputation (loin d'être injustifiée) auprès des nutritionistes. Plus calorique, plus gras, plus sucré que ses concurrents franco-français. Mais aussi, souvent, très industriel.

Changer l'image du donut

En effet le beignet troué n'est pas né de la dernière pluie, on le trouve depuis de nombreuses années en France. Mais souvent dans sa version la moins reluisante: celui décongelé recouvert de sucre ou d'un napage chimique, vendu généralement en supermarché ou dans certaines boulangeries.

Le donut de Krispy Kreme, en particulier l'Original Glazed, a le mérite d'être plutôt léger, pas excessivement gras. Et surtout frais: tous les beignets de l'enseigne sont produits dans son magasin vitrine des Halles. Puis envoyés chaque matin aux autres points de vente de la ville et ses alentours.

Cette image de pâtisserie trop industrielle que traine le donut l'empêche aussi d'être intergénérationnel. Essentiellement les générations Z et Y en consomment, plus rares sont les personnes nées avant 1980. Mais cela pourrait peut-être évoluer?

Dans un article de 2024, Le Figaro racontait que de plus en plus de boutiques ainsi que des pâtissiers de renom comme Cédric Grolet ou Pierre Hermé tentent de se réapproprier le donut. Et de lui conférer ainsi une image plus artisanale.

Arthur Quentin