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Révélations sur l'eau en bouteille filtrée illégalement: quelles marques sont concernées?

Bouteille d'eau en plastique

Bouteille d'eau en plastique - AFP

Après les aveux de Nestlé, qui reconnaît avoir utilisé des traitements interdits pour filtrer ses eaux destinées à être mises en bouteille, Le Monde et Radio France révèlent dans une enquête qu'au moins un tiers des marques au total sont concernées par ces pratiques.

Un tiers des marques proposant de l'eau en bouteille en France ont utilisé des traitements interdits pour filtrer leurs eaux. C’est ce que révèle une enquête du journal Le Monde et de la Cellule Investigation de Radio France publiée ce mardi. Ces informations font suite à un "mea culpa" de Nestlé relayé par Les Echos et évoqué dans un article de RMC Conso lundi après-midi. La multinationale admettait en effet avoir eu recours à des techniques de filtration normalement réservées à l'eau du robinet et interdites pour ce qui concerne les eaux mises en bouteille.

"Nestlé a feint de jouer le jeu de la transparence médiatique parce qu’elle savait, à travers les questions que nous lui avions envoyées, que Le Monde et la Cellule investigation de Radio France s’apprêtaient à publier une enquête embarrassante révélant la nature de ses pratiques, écrit France Info. Une enquête que nous conduisons depuis plusieurs mois, et qui révèle une affaire bien plus complexe que ce que le géant suisse voudrait faire croire."

Signalement d'un salarié

Selon les deux médias, toutes les marques du groupe Nestlé produisant de l’eau en bouteille en France sont concernées par ces pratiques, mais également certaines marques du groupe Alma.

C’est un signalement d’un salarié du groupe en décembre 2020 à la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) qui a conduit à l’ouverture d’une enquête et a permis d’identifier Nestlé comme client, au même titre qu’Alma, d’un fournisseur de filtres. Après cette découverte, les Agences régionales de santé (ARS) ont été missionnées pour contrôler 32 usines de conditionnement d'eau.

Les pratiques incriminées incluent l’injection de sulfate de fer et de CO2 industriels, la microfiltration inférieure aux seuils autorisés, l’utilisation de charbon actif et ultraviolet, des techniques autorisées pour le traitement de l'eau du robinet, mais pas pour les eaux de source ou minérales. La DGCCRF a aussi repéré des mélanges d’eau minérales ou de source avec de l’eau du robinet.

Cristaline, Vittel, Hépar...

Selon un rapport de juillet 2022 de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) qui n'a pas été rendu public mais qui a été consulté par les journalistes du Monde et de Radio France, 30% des marques en France seraient concernées, un pourcentage probablement minimisé, étant donné "des difficultés pour les services de contrôle d’identifier des pratiques délibérément dissimulées".

Autrement dit, les inspecteurs se sont rendu compte que dans certains cas, alors qu’ils pensaient prélever directement à la source, ils prélevaient par exemple de l’eau déjà traitée.

Sur les 182 eaux conditionnées en France (87 eaux minérales naturelles, 81 eaux de sources), neuf marques sont nommées dans l'enquête. Quid de la cinquantaine d'autres marques concernées?

"Le rapport de l'IGAS ne peut pas statuer précisément sur les irrégularités de toutes les marques, car il repose sur des questionnaires déclaratifs envoyés aux usines, précise à RMC Conso Stéphane Foucart, auteur de l'article du Monde. Ce dont on est sûrs, c'est que 100% des marques du groupe Nestlé sont concernées."

Voici les marques, détenues par Nestlé ou Alma, qui sont citées par le rapport de l'IGAS et donc concernées par ces pratiques:

  • Vittel
  • Perrier
  • Contrex
  • Hépar
  • Cristaline
  • Saint-Yorre
  • Vichy Célestins
  • Eau de Châteldon

Selon Nestlé, les évolutions climatiques et les activités humaines ont dégradé la qualité des eaux, contaminées par des bactéries, rendant indispensable leur "nettoyage" par ces filtres. Pourtant, ces eaux sont censées être suffisamment pures pour n’avoir besoin d’aucun traitement, ni préventif ni curatif.

L’appellation "eau minérale naturelle" pour ces bouteilles vendues 100 fois plus chères que l’eau du robinet deviendrait donc trompeuse. C'est en tout cas l'avis du procureur de la République d'Épinal, Frédéric Nahon, qui a ouvert une enquête préliminaire en novembre 2022, après avoir été saisi par l'ARS Grand Est dans la foulée de la publication du rapport de l'IGAS.

Charlotte Méritan