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"No kids", "Adults Only": interdire les enfants dans un hôtel ou un restaurant, est-ce légal?

Un panneau à l'entrée d'un café indiquant que les enfants ne sont indésirables, à Séoul en Corée du Sud, le 20 juillet 2023. Dans ce pays, la tendance No Kids est très développée.

Un panneau à l'entrée d'un café indiquant que les enfants ne sont indésirables, à Séoul en Corée du Sud, le 20 juillet 2023. Dans ce pays, la tendance No Kids est très développée. - Yelim LEE

Des plus en plus de voix se lèvent pour lutter contre la tendance "No Kids" dans certains hôtels et restaurants. Pourtant, ces établissements n'ont techniquement déjà pas le droit d'interdire l'accès à des enfants.

Partir en vacances ou aller au restaurant, et être sûr de ne pas croiser un seul enfant. L'idée séduit de plus en plus de Français, et le gouvernement s'en inquiète. De nombreux hôtels notamment précisent sur leur site ou sur des plateformes de réservation comme Booking qu'ils sont "adult only" ("adultes seulement").

Cette tendance du "No kids" et les offres commerciales qui lui sont associées sont jugées "brutales" par Sarah El Haïry, Haute-commissaire à l'Enfance. Cette membre du gouvernement veut y mettre un frein.

"La tendance est beaucoup plus développée dans d'autres pays européens et asiatiques. Mais il ne faut pas la laisser s'installer en France", a-t-elle estimé sur RTL, ce mardi 27 mai.

Actuellement en France, d'après le syndicat Entreprises du voyages interrogé par l'AFP, le "adult only" ne représenterait que 3% de l'offre. Bien moins donc que dans un pays comme la Corée du Sud, où la pratique est particulièrement développée. Des restaurants, bars et cafés l'affichent sur leur devanture, voire directement sur leur menu.

Une discrimination selon le code pénal

Nous n'en sommes pas là, et cela ne risque pas d'arriver. D'abord parce que le gouvernement veut s'attaquer à ces espaces sans enfants pour les limiter. Mais aussi parce que légalement, en France, les établissements n'ont pas tout à fait le droit de refuser des personnes au seul prétexte de leur âge.

L'avocate spécialiste en droit du tourisme Laurence Jégouzo relève que sur cette question "on n'a qu'une base légale, qui est l'article 225-1 du code pénal". Il s'agit tout simplement de l'article qui définit ce qu'est une discrimination. En l'occurrence, toute distinction opérée entre des personnes sur le fondement de leur origine, leur genre, leur apparence physique, leur handicap ou encore... leur âge.

En revanche, il n'y a aucune jurisprudence: aucun juge n'a encore rendu de décision sur un tel sujet. Aucune famille n'a encore intenté une action en justice contre un hôtel ou un restaurant après s'en être vu refuser l'accès à cause d'un ou plusieurs enfants.

L'enfant très protégé dans le droit du tourisme

Cela semble logique puisque généralement les hôtels pratiquant le "adult only" en avertissent directement leurs clients sur leur site. Il serait incohérent de réserver une ou plusieurs chambres, et de finalement se présenter avec des enfants. Et ce serait être plutôt zélé que de le faire pour pouvoir engager une action en justice derrière...

"En vacances, je peux comprendre qu'on n'ait pas spécialement envie d'intenter un procès à un hôtel pour un tel motif", ironise Laurence Jégouzo. "Mais en se basant sur cet article 225-1, ce serait possible".

D'autant que selon elle, le plaignant aurait des chances d'obtenir une décision de justice en sa faveur. "Le code pénal est au dessus des conditions générales de vente d'un établissement. Et de manière générale dans le droit du tourisme, le consommateur, en particulier l'enfant, est très protégé. Plus que dans n'importe quel autre droit".

Les annonces de Sarah El Haïry qui exprime vouloir repousser la tendance "No kids" en France sont donc très politiques. Une manière de montrer qu'elle veut protéger les enfants et la famille.

Promouvoir une contre-tendance "pro-kids"

Pour l'avocate en droit du tourisme Laurence Jégouzo, on a déjà presque tout ce qu'il faut sur le plan juridique pour s'en prendre à cette mode. "Peut-être que l'on pourrait être encore plus précis, car c'est vrai que cet article du 225-1 du code pénal est très général", suggère-t-elle.

Pour le moment, parmi les pistes pour juguler le développement de cette tendance, la membre du gouvernement souhaite "construire et promouvoir une contre-tendance pro-kids", a-t-elle déclaré au Figaro. Dans ce cadre, elle souhaite mettre en place dans des établissements une "charte à hauteur d'enfants". Ils pourraient alors proposer une tarification bienveillante à l’égard des enfants, un mode d’accueil qui leur serait destiné ou encore un accompagnement spécifique pour les familles monoparentales.

Ainsi, peut-être verrons-nous d'ici quelques années en France se faire face des hôtels avec des écriteaux "No kids zone" d'un côté, et "Yes kids zone" de l'autre. En Corée du Sud, où la Commission nationale des droits humains a estimé que le "No kid" était discriminatoire, c'est ce qui commence à se passer...

Arthur Quentin