Au comptoir et en rayon le café ne cesse d'augmenter: voici pourquoi ça va continuer

Une tasse de café et des grains de café (photo d'illustration). - Pixabay
C'est un petit plaisir du matin qui coûte de plus en plus cher. Que vous le consommiez en expresso ou allongé, au comptoir d'un troquet ou à la maison, vous avez dû remarquer que le prix du café a considérablement augmenté. Difficile d'évaluer de combien précisément tant le prix fluctue d'un établissement à l'autre, qu'il se trouve à Paris ou dans une petite ville. Et en rayon d'une marque de café à l'autre, qu'on l'achète soluble, en grains ou en dosette.
En septembre, la Fédération des maîtres restaurateurs avait tout de même estimé qu'en moyenne, le prix d'une tasse avait augmenté d'en moyenne 10 centimes depuis janvier 2024. Et atteint 1,40 euro consommé au comptoir, ou entre 2,60 et 3 euros en salle.
Pour Bernard Boutboul, cette hausse est encore plus marquée si on regarde un peu plus en arrière. Le cabinet de conseil aux restaurateurs qu'il dirige, Gira, avait l'habitude de publier jusqu'en 2015 une étude sur le prix du café, "'L'Indice Kfé".
"Dans sa dernière édition, nous avions estimé que le coût moyen d'un expresso était de 1,56 euro. Aujourd'hui, très rares sont les cafés qui en vendent pour moins de 2 euros", analyse-t-il pour RMC Conso.
Une explosion du coût des matières premières
Le temps où l'on pouvait boire un petit noir pour 1 euro est donc bien révolu... Il faut dire que ces dernières années, et en particulier depuis la fin d'année 2023, le coût des matières premières a explosé. L'arabica et le robusta, les deux principales variétés de cafés en grain, ont vu leur cours exploser sur le marché des matières premières.
Actuellement, la tonne de robusta se vend quasiment 5.700 dollars la tonne. Une hausse jugée "spectaculaire" par Thierry Pouch, chef économiste aux Chambres d'agriculture. Il relève en effet que depuis plus de dix ans, la tendance était assez stable: autour de 2.000 euros la tonne, avec quelques variations. Par exemple en mars 2020, au début de la crise Covid, le robusta était tombé à 1.100 euros.
Depuis, on assiste à un "mouvement ascensionnel quasi continu". Mais qui s'est particulièrement amplifié à partir de septembre 2023, où le cours n'était encore qu'à 2.600 euros la tonne. L'arabica a lui augmenté dans des proportions similaires. Mais que s'est-il donc passé pour que le prix du café explose à ce point? Pour Thierry Pouch, il y a plusieurs raisons à cela.
"Les causes de cette crise sont d'abord climatiques. Le Brésil, premier producteur mondial, a été et continue d'être frappé par le phénomène El Niño qui se caractérise par de fortes pluies, ou des vagues de chaleur successives. Le Vietnam, deuxième producteur, a subi une grave sécheresse. Enfin, les troubles politiques dans des pays comme la Colombie ou le Pérou ont également perturbé les récoltes", liste l'économiste.
D'autres coûts justifient la hausse du prix
Le coût des matières premières a donc explosé, mais est-ce la seule explication de la flambée du prix de la tasse en France? Après tout, le café en lui-même ne représente qu'une part minime du prix d'un petit noir dans une brasserie ou un café. "Pour un expresso, cela représente en général 20 centimes. Parfois jusqu'à 35 lorsque l'on est sur un café de grande qualité, mais cela reste un produit sur lequel les marges sont importantes", clarifie Bernard Boutboul du cabinet Gira.
L'augmentation du prix du café ne saurait donc justifier à elle seule une hausse de 20 centimes de la tasse dans certains établissements, comme TF1 l'a constaté dans un bistrot de Limoges. Mais d'après le vice-président de l'UMIH (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie) d'Île-de-France, ces hausses couvrent d'autres coûts. Hausses du prix de l'énergie, des loyers et des salaires, remboursement des prêts garantis par l'État...
"Beaucoup de cafetiers avaient jusque-là absorbé ces hausses en réduisant leur marge sur le café ou d'autres produits. Mais au bout d'un moment, cela n'est plus possible. Pour compenser ces pertes de marge, il faut bien réaugmenter le prix", justifie-t-il.
Les bistrots concurrencés par les coffee shops
Lui qui gère plusieurs cafés-restaurants à Paris évoque un autre phénomène qui a pu tirer vers le haut le prix du café dans les bistrots. Le développement depuis plusieurs années des coffee shops, "où le café est vendu deux fois plus cher", a fait perdre du terrain aux brasseries traditionnelles.
"Maintenant les clients ne se contentent plus d'un café noir ou à la rigueur un noisette. Ils veulent des lattes, des macchiatos et vont de plus en plus dans ces établissements, au détriment du bistrot", estime David Zénouda.
Un phénomène que relativise Bernard Boutboul de Gira. "Les coffee shops piquent un peu de clientèle, mais globalement ce n'est pas tout à fait la même. Ils sont généralement plus modernes et attirent donc des jeunes générations de consommateurs". En outre, lui qui avec son cabinet accompagne des restaurateurs estime que des troquets pourraient très bien se mettre à proposer les mêmes spécialités de café que les coffee shops.
Les prix vont continuer d'augmenter
Une évolution qui induirait de fait l'achat de davantage de matières premières. Dont le coût devrait continuer d'augmenter (et le prix de nos tasses au comptoir avec donc). En effet pour l'économiste Thierry Pouch, les événements climatiques extrêmes vont devenir de plus en plus récurrents et rendre les récoltes de café moins bonnes chaque année.
"À court terme, je ne vois pas comment le marché pourrait repartir à la baisse. Ce qui pourrait ralentir la hausse et desserrer la contrainte de rationnement, ce serait à la rigueur qu'avec le réchauffement climatique on trouve de nouveaux bassins de production de café", affirme-t-il.
Irréaliste? Après tout, le Vietnam n'est devenu un grand producteur de café qu'assez récemment, rappelle Thierry Pouch. Peut-être donc que d'ici quelques années, l'expresso qu'on boira dans le café du coin sera produit et torréfié en France.