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Petits prix, rachats de magasins, offre non-alimentaire et outlet: comment Lidl se relance en France

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Lidl a connu de grosses difficultés entre 2022 et 2025. Pourtant, aujourd'hui, son horizon semble s'éclaircir: l'enseigne vient de racheter 19 magasins Auchan, prévoit d'autres ouvertures mais aussi des baisses de prix.

Alors qu'Auchan réduit la taille de certains magasins, en vend d'autres, et prévoit 2.400 suppressions d'emplois (son plan social a néanmoins été invalidé par la justice mercredi), Lidl multiplie les campagnes de communication, le rachat de magasins et l'ouverture de nouveaux points de vente.

La grande distribution souffre depuis plusieurs années d'un modèle obsolète, concurrencé par Internet, le drive, le hard-discount et les magasins de proximité. Pourtant, au premier abord, Lidl ne semble pas connaître cette crise.

Enfin, au premier abord seulement. Car en réalité, l'enseigne sort doucement d'une longue période noire. Explications.

Stratégie d'expansion

Lundi 22 septembre, l'Autorité de la concurrence validait le rachat par Lidl de 19 magasins Auchan. Quelques jours plus tôt, nous vous détaillions les ouvertures de points de vente récentes, en cours ou à venir, une vingtaine au total sur l'année 2025. Ce qui porte le nombre de magasins Lidl en France à 1.627.

L'objectif de l'enseigne est d'atteindre 2.000 magasins, notamment en s'implantant dans les grandes villes, où elle est encore peu présente. Mais cette stratégie d'expansion offensive et les investissements qu'elle nécessite (575 millions d'euros cette année selon Les Echos) dissimulent un chiffre d'affaires encore dans le rouge, même si Lidl a commencé à remonter la pente en 2024.

Concrètement, il a baissé de 1% l'année dernière. En termes de résultat net, la perte est de 9 millions d'euros. Mais c'est nettement inférieur à celle de l'année précédente, qui s'est élevée à 72 millions d'euros. Il semblerait donc que la stratégie de relance de Lidl commence à porter ses fruits.

Outre l'ouverture de nouveaux magasins, Lidl espère capter de nouveaux clients et augmenter le volume de ventes en ouvrant le dimanche, même si cela a provoqué un tollé chez ses salariés. L'objectif, compenser ainsi la diminution de ses ventes en valeur, puisqu'une de ses principales stratégies de relance repose sur les baisses de prix.

Des baisses de prix

Les petits prix, c'est l'ADN de Lidl, en tant qu'enseigne de hard-discount. Mais ces derniers temps, son principal concurrent, E. Leclerc, lui a donné du fil à retordre en assurant être le moins cher du marché sur sa gamme premiers prix, Eco +.

Alors pour baisser les prix de nombreuses références, Lidl a investi 150 millions d'euros. Et enrobé tout cela de marketing et de communications pour prévenir ses clients: d'abord, à partir de janvier 2025, le déploiement d'une gamme appelée "P'tits prix oui", 400 produits "aux prix les plus bas du marché", promet l'enseigne.

Pour cela, Lidl a baissé les tarifs de certaines de ses références en marque propre, déjà existante, et en a également créé de nouvelles. Moins chères, mais aussi parfois moins qualitatives, comme nous l'avions démontré dans cet article.

Ensuite, à partir de septembre 2025, une campagne dénommée "prix sacrés", qui prévoit une baisse de prix sur un produit de première nécessité par semaine (huile, sucre...). Premier produit concerné, la baguette de pain, symbole puissant d'un produit de grande consommation acheté par la quasi totalité des Français. En la passant de 35 à 29 centimes, Lidl a fait parler d'elle... Et pas forcément en bien, les boulangers étant nombreux à s'être insurgés contre cette mesure.

Retour en arrière sur la montée en gamme

Il y a quelques jours, Lidl a finalement dévoilé un nouveau slogan. Alors qu'auparavant elle garantissait "le vrai prix des bonnes choses", elle clame désormais que "Lidl, ça vaut le coup". Un changement loin d'être anodin: les "bonnes choses" de son ancien slogan se réfèrent à une montée en gamme opérée il y a plusieurs années par son ancien vice-président, Michel Biero, qui a quitté le groupe en janvier dernier.

Ce dernier avait non seulement introduit les marques nationales dans l'assortiment proposé en rayons, alors que le modèle de Lidl reposait jusque-là sur ses marques propres, mais aussi créé une gamme bio et défendu ardemment une plus juste rémunération des agriculteurs.

Des choix louables mais qui avaient plongé Lidl dans une grosse crise au moment où l'inflation alimentaire atteignait 20%, entre 2022 et 2024. Les Français recherchaient alors les prix les plus bas possibles et se sont détournés de l'enseigne. Celle-ci a perdu 400.000 clients entre 2022 et 2025. Il était donc nécessaire de rappeler à ces derniers que si, Lidl, ça vaut bien le coup.

Une marque branchée

Néanmoins, parmi les apports de Michel Biero, on peut souligner la diversification de l'offre, avec la mise en avant de ses marques non alimentaires qui cartonnent: Parkside pour le bricolage, qui a eu pour égérie Arnold Schwarzenegger en 2023, Silvercrest pour l'électroménager, dont les robots de cuisine affolent les foules, ou encore Cién pour les cosmétiques.

Une diversification à son apogée avec l'ouverture en juin d'un magasin "Outlet Lidl", entièrement consacré au destockage d'invendus non alimentaires, qui promet des réductions allant de 30 à 60%.

Michel Biero a, par ailleurs, réussi à faire de Lidl une marque à part entière, et branchée qui plus est. Les produits dérivés Lidl comme les baskets, claquettes, chaussettes ou plus récemment les escarpins, participent à faire la publicité de l'enseigne de manière décalée et connaissent à chaque fois un succès retentissant.

D'ailleurs, la communication, c'est l'un des points forts de Lidl et l'un de ses plus gros budgets: en 2023, l'enseigne avait consacré 594 millions d'euros à la publicité, la plaçant 2e plus gros annonceur de France, juste derrière E. Leclerc, selon Kantar.

Stratégies gagnantes

Mises ensemble, toutes ces stratégies de Lidl pour se relancer et regagner des parts de marché (qui stagnent à 8% depuis plusieurs années) semblent payer. Le nouveau patron de Lidl France, John Paul Scally, a assuré à LSA avoir regagné 100.000 clients depuis janvier 2025.

"Nous serons à l'équilibre pour l'exercice en cours," a-t-il affirmé devant plusieurs médias il y a quelques jours. Réponse en février 2026, date de clôture chez Lidl.

Bien sûr, son objectif d'arriver à 10% de part de marché en 2030 est particulièrement ambitieux. Sur les cinq dernières années, Lidl a à peine gagné un point de part de marché (de 7,1% en 2020 à 8% aujourd'hui).

Charlotte Méritan