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Manger une courge peut vous faire perdre vos cheveux: comment repérer les espèces toxiques?

Citrouille, potiron, potimarron, pâtisson, courgette... les espèces et les variétés de courge sont nombreuses.

Citrouille, potiron, potimarron, pâtisson, courgette... les espèces et les variétés de courge sont nombreuses. - Hans - pixabay

Plusieurs cas de personnes ayant subi une perte de cheveux après avoir consommé une courge ont eu lieu ces dernières années. Une intoxication certes rare mais qui peut arriver et contre laquelle il faut être mis en garde.

Le témoignage de Bertrand, 52 ans, en a fait frémir plus d'un. Cet homme a raconté dans une vidéo et un article du Parisien être tombé gravement malade après avoir mangé... une simple courge. Douleurs au ventre, nausées, vomissements pendant plusieurs jours. Et puis, plus surprenant, perte de cheveux.

La victime de cette intoxication raconte en effet avoir vu ses poils tomber subitement, ainsi que son corps peler. "J'ai passé la brosse dans mes cheveux, et tous sont restés dans la brosse", a raconté ce Francilien au quotidien.

Plusieurs cas d'intoxications similaires

Des cas comme le sien, il en existe d'autres. En 2018, Le Parisien encore recueillait le témoignage similaire d'une Grenobloise, intoxiquée après avoir consommé un butternut qui avait la particularité d'être très amer.

Et en 2023, des médecins de l'hôpital de Nantes décrivaient dans un article le cas d'une patiente de 55 ans. Prise dans un premier temps "de douleurs abdominales intenses" 1h30 après avoir consommé une courge spaghetti, elle a ensuite subi une alopécie (perte de poils) cinq jours plus tard, "touchant les cheveux, les sourcils et le pubis".

De tels cas d'intoxication peuvent faire peur au consommateur. Risque-t-on de développer de tels symptômes en mangeant n'importe quelle courgette, citrouille, concombre ou potimarron? Laurence Coiffard, enseignante-chercheuse à la Faculté de Pharmacie de Nantes rassure.

"La toxicité de certaines cucurbitacées est liée à la présence de composés organiques appelés les cucurbitacines. Mais on les retrouve surtout dans les courges non comestibles et souvent décoratives, les coloquintes. Celles comestibles n'ont pas de cucurbitacines, ou alors des quantités infimes", explique-t-elle à RMC Conso.

Des courges comestibles, décoratives, et hybrides

Mais si cette substance toxique n'est présente qu'en quantité infime, comment les trois cas évoqués plus haut ont-ils pu arriver? Plusieurs possibilités.

D'abord, certains magasins de légumes vendent à la fois des courges comestibles et des non comestibles. Si normalement les coloquintes peuvent être reconnues avec leurs motifs colorés et leurs formes insolites, les vendeurs doivent normalement bien les distinguer en rayon et les signaler.

Mais il n'est pas impossible qu'une non comestible se retrouve au milieu de comestibles, puis dans le panier et la casserole d'un quidam. L'UFC-Que Choisir alertait sur ce risque en 2019, évoquant notamment le fait que des courges décoratives pouvaient être labellisées "bio", ce qui peut induire le consommateur en erreur.

Mais la raison la plus probable est que les courges consommées aient subi une "hybridation". Si des courges comestibles et d'autres non comestibles sont cultivées dans un même potager, et à proximité, il y a un risque que leurs pieds s'hybrident. À cause d'insectes pollinisateurs par exemple.

"Une courge comestible peut alors se charger en cucurbitacines, et devenir impropre à la consommation. Si vous avez votre propre potager et cultivez des cucurbitacées des deux types, veillez donc bien à les espacer", insiste Laurence Coiffard.

Comment repérer une courge non comestible?

Ces courges hybrides gardent donc la même apparence que leur équivalente comestible. Et peuvent se retrouver dans le commerce sans qu'on ne s'aperçoive de leur toxicité.

Visuellement, on ne peut pas les reconnaître ni se douter de quoi que ce soit. En revanche, on peut les identifier à leur saveur particulière. "Ce qui doit alerter, c'est le goût extrêmement amer", précise Laurence Coiffard.

Dès la première bouchée, vous devriez vous rendre compte de cette amertume inhabituelle. Si c'est le cas, recrachez immédiatement le morceau que vous avez en bouche.

Mais si on en ingère tout de même, risque-t-on de subir l'alopécie? Laurence Coiffard tempère: l'intensité des symptômes est liée à la quantité ingérée. Pour en arriver à la perte de cheveux, il faut en avoir mangé beaucoup. C'est ce qui explique la rareté de ce mal.

Les intoxications aux courges provoquant des symptômes communs comme la nausée, des coliques, des vomissements, sont plus courantes (plusieurs centaines ces dernières années). Celles provoquant la perte de cheveux se comptent sur les doigts des deux mains.

Pourquoi les cheveux tombent?

Mais au fait, qu'est-ce qui provoque concrètement cette chute des poils? La raison est scientifique, et liée à ces cucurbitacines décrites par Laurence Coiffard. Ces substances toxiques, en plus d'être extrêmement résistantes (à la cuisson comme à la congélation), sont cytotoxiques.

"Cela signifie qu'elles sont toxiques pour les cellules, y compris celles à renouvellement rapide que sont celles du cuir chevelu. Les cucurbitacines s'y attaquent, et provoquent donc cette chute de cheveux", explique l'enseignante à l'université de Nantes.

Concrètement donc, cette courge non comestible va produire le même effet qu'une chimiothérapie. De quoi rassurer un peu les victimes intoxiquées: les cheveux se mettent à repousser au bout d'un certain temps.

Laurence Coiffard souligne d'ailleurs que certaines cucurbitacines font l'objet d'études de chercheurs contre le cancer. "On est encore à des stades très précoces, il n'est clairement pas encore question de mettre en vente un médicament de ce type", relativise-t-elle. Mais leurs vertus cytotoxiques pourraient être utilisées pour lutter contre les cellules cancéreuses...

Arthur Quentin