Vin bio, biodynamique ou nature: que signifient vraiment ces dénominations?

Une bouteille de vin, un verre et une grappe de raisin (photo d'illustration). - Freepik
Vous en avez forcément vu ou entendu l'un de ces termes au cours d'une discussion vinicole pendant un dîner entre amis, en achetant une bouteille chez un caviste ou au supermarché. Ou bien même dans une de ces vidéos parodiant les clichés auxquels sont parfois réduits les amateurs de ce genre de boisson.
Les vins "biodynamiques" ainsi que ceux "naturels" ou "nature" deviennent omniprésents, et ne sont plus simplement réservés aux bars à vins les plus pointus. De plus en plus de restaurants en proposent à leur carte. Les enseignes comme Nicolas ou V and B qui comptent de nombreux magasins à travers toute la France commencent à en vendre. Et des foires leur sont consacrées, à l'image du salon Premiers Jus qui s'est tenu à Paris en mai dernier.
Malgré tout, ces deux types de vins sont parfois confondus avec le simple vin biologique. Ou alors de manière un brin réductrice, considérés comme des jajas pour bobos citadins.
Une hérésie pour le rédacteur en chef de la Revue du vin de France, Jérôme Baudouin. Selon lui tous ces vins méritent que l'on s'y intéresse. Et pour RMC Conso, il décrit les spécificités de chacun.
Le vin biologique, cultivé sans produit de synthèse
Pour comprendre ce que sont les vins biodynamiques et naturels, il faut d'abord avoir bien en tête ce qu'est un vin simplement bio. On parle là bel et bien d'un vin qui aura été produit en suivant les principes de l'agriculture biologique, c'est-à-dire qu'aucun produit chimique de synthèse n'aura été utilisé. Et ce aussi bien sur la vigne (pendant la viticulture) qu'en cave (pendant la vinification).
Grâce au respect de ce cahier des charges, la bouteille pourra être estampillée du fameux logo vert AB pour Agriculture biologique.
En viticulture conventionnelle, les produits chimiques utilisés sont principalement des fongicides, c'est-à-dire qui détruisent les champignons parasites. Il faut dire que les principales maladies pouvant affecter la vigne sont "cryptogamiques", causées par un champignon. Les principales sont le mildiou, ou l'oïdium.
Un viticulteur bio se sera donc passé de ces fongicides, mais aussi herbicides (comme le Roundup) et autres pesticides de synthèse. En revanche, il peut utiliser ce que l'on appelle la bouillie bordelaise. Un fongicide reconnaissable à sa couleur bleue, et fabriqué à partir de cuivre et de chaux.
Jérôme Baudouin remarque que vin bio prend une importance de plus en plus importante en France. "Beaucoup de viticulteurs ont choisi de se convertir ces dernières années. Si bien que plus de 20% de l'ensemble des vignes françaises sont certifiées AB", relève-t-il.
Effectivement selon le bilan annuel 2024 dressé par l'Agence bio, 164.541 hectares de surface agricole le sont. Ne vous étonnez donc pas de trouver de plus en plus de bouteilles de vin biologique. C'est notamment le cas dans les supermarchés où on en retrouve beaucoup, sans qu'elles ne soient nécessairement beaucoup plus chères.
Par ailleurs en 2021 les scientifiques français Magali Delmas et Olivier Gergaud avaient publié une étude ayant comparé les notes obtenues à l'aveugle de plus de 120.000 vins conventionnels et bios. Bien entendu, de très bons vins se trouvaient dans les deux groupes. Mais globalement, ceux bios ont obtenu de meilleures notes!
Le vin biodynamique, un vin sectaire?
Et dans cette même étude, les vins biodynamiques obtenaient d'encore meilleurs avis. Ce terme ne vous dit peut-être rien du tout. Ou alors si vous en avez entendu parler, c'était négativement car ce type de vin peut être perçu comme sectaire ou ésotérique. Jérôme Baudouin tient à clarifier.
"D'abord dans les faits, un vin biodynamique est assez proche d'un vin bio puisqu'il est forcément certifié AB. Mais la biodynamie va encore plus loin. Le viticulteur emploie toute une série de méthodes et remèdes supplémentaires pour entretenir et renforcer ses vignes", décrit le rédacteur en chef de La Revue du vin de France.
L'association Demeter, qui décerne le plus important label de l'agriculture biodynamique, oblige les viticulteurs à administrer certaines préparations de compost spécifiques. Et recommande l'emploi de "tisanes, décoctions et purins de plantes" pour entretenir ses vignes. Voilà pour le premier aspect de la biodynamie.
Mais un autre point est source de débats autour de ce courant. La biodynamie a été fondée dans les années 1920 par Rudolf Steiner, et entend marier l’humain, la nature et les forces de l’univers. Certaines pratiques agricoles reposent donc sur des concepts pseudo-scientifiques. Par exemple, l'influence que les cycles lunaires auraient sur la vigne.
Cet aspect ésotérique décrédibilise aux yeux de beaucoup ces vins. "Il faut dire que beaucoup de biodynamistes vus dans des reportages ont cultivé cette espèce de mysticisme à outrance. Et cela n'a pas aidé...", regrette Jérôme Baudouin.
En effet à ses yeux, réduire la biodynamie à cela, c'est risquer de passer à côté de certains des meilleurs vins. Dans les faits, il y a beaucoup de biodynamistes qui n'adhèrent pas à la pensée de Rudolf Steiner, mais qui adoptent ses pratiques agricoles car elles sont bonnes pour leurs sols et la planète. De plus en plus s'y mettent même.
"Même si elle pèse encore relativement peu (2 à 3% des surfaces), l'élite de la viticulture française et même mondiale se convertit à la biodynamie", remarque le spécialiste vinicole.
Il cite certains grands domaines s'y étant convertis. Les Châteaux Pontet-Canet et Latour dans le Bordelais, le Domaine Chaume-Arnaud dans la vallée du Rhône, la Coulée de Serrant dans la vallée de la Loire, ou encore le champagne Roederer.
Le vin naturel, aucun intrant pour plus d'arômes
Lui est plus complexe à définir, notamment car à la différence des deux premiers il n'est réglementé que depuis peu (un label a été créé en 2020 mais tous ne l'ont pas adopté). Mais on dit en général qu'un vin nature est un vin auquel aucun intrant n'a été ajouté au moment de sa vinification.
Vous vous demandez peut-être ce que sont les intrants? Concrètement, ce sont des additifs que l'on ajoute pour stabiliser un vin, ou en ajuster certaines propriétés. Sa couleur, sa brillance, sont goût. Ils vont aussi parfois aseptiser le vin et donc lui permettre de mieux se conserver. Un des plus utilisés à cet effet est le sougre (ou les sulfites, c'est a même chose).
Jérôme Baudouin remarque qu'il est possible de faire du vin nature sans qu'il soit nécessairement bio. On peut tout à fait cultiver la vigne en conventionnel et de ne pas y ajouter d'intrant lors de la vinification. Mais dans les faits, beaucoup de vins naturels sont bios. Mais qu'apporte donc le fait de se priver des intrants? Concrètement, les sulfites ont pour effet de bloquer certains arômes.
"Le fait de ne pas en utiliser permet à ces arômes de se développer. Ce sont donc des vins souvent beaucoup plus expressifs. Ils ont tendance à décomplexer les gens, là où des vins plus traiditionnels peuvent être plus taniques", décrit Jérôme Baudoin.
Cette forte expressivité de ces vins peut être à double tranchant. On peut tomber sur certains qui nous surprendront positivement, et d'autres négativement. "Il y en a des bons et des mauvais. Le meilleur de savoir lesquels nous plairont, c'est donc de les goûter", suggère le spécialiste. Se fier aux étiquettes des bouteilles ne suffit donc pas. Cela est pourtant tentant, car très souvent elles ont un design plus coloré et artistique que celles des vins classiques...
Jérôme Baudouin recommande donc vivement de goûter à chacun de ces vins, en dépit des a priori que l'on pouvait avoir dessus. En revanche, il ne souhaite pas que les consommateurs s'enferment dans l'une de ces chapelles. "On voit de plus en plus de gens qui crachent sur les vins traditionnels après avoir goûté ceux naturels. Mais il y a des grands vins dans chacune des catégories".