Frais d'incident bancaire: quand les pratiques des banques trompent les clients

Chèque impayé, découvert non autorisé, saisie administrative... quand survient un incident sur votre compte bancaire, souvent, votre banque vous fait passer à la caisse. Et parfois abusivement, avec une communication peu claire sur le sujet.
En janvier, la Société Générale s'est vue infliger une "amende transactionnelle" de 4,5 millions d’euros pour des "prélèvements de commissions d’intervention non justifiées". Et a du afficher sur son site un large bandeau rouge expliquant de quoi elle s'était rendue coupable. Le parquet de Nanterre évoque des "pratiques commerciales trompeuses".

L'information est un petit peu plus détaillée sur le site de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui nous dit que :
Le service CCRF de la direction départementale de la protection des populations des Hauts-de-Seine (DDPP92) a réalisé une enquête entre avril 2019 et janvier 2021 portant sur des pratiques dont les consommateurs ont été victimes de la part de Société Générale. Les faits portent sur les prélèvements de commissions d’intervention non justifiées."
Découvert non autorisé
Les commissions d'intervention font partie des frais d'incident bancaire, les frais appliqués par les banques lorsqu'une anomalie ou un défaut de provision se présente sur un compte bancaire. Les cas sont multiples: chèque impayé, rejet de prélèvement, saisie administrative... et pour chaque situation, des frais différents sont facturés.
Les commissions d'intervention concernent les cas où une opération sur le compte bancaire entraîne un découvert non autorisé. Il ne faut pas les confondre avec les frais d'agios, qui sont les intérêts appliqués par les banques lors d'un découvert, ou avec les frais de rejet de prélèvement, qui se cumulent aux deux précédents dans le cas où la banque décide de ne pas autoriser le prélèvement.
Les commissions d'intervention plafonnées
Les commissions d'intervention sont plafonnées depuis 2014: à 8 euros par opération dans la limite de 80 euros par mois et 25 euros par mois pour les clients fragiles.
La définition de client fragile, bien qu'encadrée, reste assez floue et restrictive: elle touche les personnes en dossier de surendettement, qui ont connu au moins cinq incidents par mois pendant trois mois consécutifs, ou encore qui sont fichés à la Banque de France. Mais certains critères restent à l'appréciation des banques, notamment le plafond de revenus: pour la Société Générale, un client fragile a maximum 1500 euros de crédit porté à son compte chaque mois, quand c'est 1650 pour le Crédit Agricole et l'équivalent d'un Smic net pour la Banque populaire.
960 euros maximum par an
En dehors de ces critères, les commissions d'intervention peuvent donc coûter jusqu'à 960 euros aux Français chaque année. Sachant que, selon un sondage Poll & Roll pour le comparateur de tarifs bancaires Panorabanques d'octobre 2023, 47% des Français sont à découvert au moins une fois par an.
Les banques justifient ces frais par le coût de main d'œuvre: selon elles, ces commissions d'intervention sont appliquées justement parce qu'elles impliquent l'intervention d'un employé de la banque pour valider ou refuser l'opération.
Pourtant, selon Basile Duval, porte-parole de Panorabanques cité par Le Monde à la suite de la publication de leur sondage "tout est désormais automatisé: le conseiller n'intervient plus pour autoriser une dépense sur le compte lorsque cela fait basculer dans le rouge. Les commissions d'intervention n'ont vraiment plus aucune justification, mais elles coûtent encore très cher aux clients".
Dans un communiqué de presse publié suite à l'annonce de l'amende qui lui a été infligée, la Société Générale a justifié ces abus de commissions d'intervention par des "erreurs de paramétrage informatique". Elle assure avoir remboursé tous ses clients en 2020, au moment où le problème a été identifié.
Nul ne sait avec précision quel est le gain engendré par les banques grâce aux frais d'incident bancaire: il y a une opacité à ce sujet. L'association UFC Que Choisir a tout de même fait des estimations en 2022, et avançait alors que la marge réalisée par les banques sur ces frais pourrait être de 86%.
La Société Générale n'est pas la seule concernée par ces abus. Selon une récente enquête de la DGCCRF, 22% des banques ne respectent pas la réglementation en matière de frais d'incident bancaire.
Pour limiter au maximum ces frais, les consommateurs peuvent comparer les grilles tarifaires des banques, qui doivent indiquer le montant prélevé pour chaque incident. En ce qui concerne les commissions d'intervention, sachez que la plupart des banques en ligne n'en facturent pas.