Jusqu'à 80% d'économies: les lunettes de seconde main séduisent de plus en plus de Français

La seconde main est un marché qui explose: il a pesé 105 milliards d'euros dans le monde en 2023, chiffre qui devrait doubler d'ici 2027, selon la banque publique d'investissement Bpi France. Et depuis quelques années, ce marché accueille un petit nouveau: celui des lunettes.
Né il y a moins de dix ans à la faveur de petits indépendants qui ont commencé à recycler de vieilles lunettes, le marché connaît ces derniers mois une ascension fulgurante: trois grandes enseignes de l'optique ont décidé de s'y mettre.
100 millions de lunettes dans nos tiroirs
22 millions de paires neuves sont vendues par an et pourtant, 100 millions de lunettes dormiraient dans nos tiroirs. La volonté des opticiens est donc de participer à la mode de l'économie circulaire, sur fond de prise de conscience de l’impact environnemental de la surconsommation, pour proposer une alternative durable mais aussi économique.
Le dernier en date: Krys, qui a noué un partenariat avec la plateforme Seecly, genre de Vinted de la lunette, à la différence que, contrairement à l'application de vente de vêtements entre particuliers, Seecly prépare, nettoie et remet en état les montures. Une fois qu'elles sont reconditionnées, il suffit d'y installer des verres neufs pour les remettre dans le circuit. C'est à cette étape qu'intervient Krys.
"Cela fait un an et demi qu'on s'intéresse à la seconde main et qu'on se demandait comment appréhender ce marché en pleine expansion, explique à RMC Conso Bruno Censier, directeur de la marque Krys. On a rencontré Pauline Marmoyet, la fondatrice de Seecly, et ça a tout de suite fonctionné entre nous."
De cette rencontre est née une collaboration lancée il y a une quinzaine de jours, par laquelle Krys fournit à Seecly les verres neufs, remboursés par la Sécurité sociale et les mutuelles, et permet aux particuliers d'avoir une paire de lunettes d'occasion adaptée à leur vue, livrée au choix à domicile ou en magasin.
Des lunettes de soleil d'occasion
Avant Krys, le groupement Optic 2000, qui réunit les marques Optic 2000 et Lissac, avait lancé à l'été 2023 une phase de test dans 12 magasins. L'offre ne concernait en revanche que les solaires. Un test concluant, puisque "nous sommes en plein déploiement et prévoyons de proposer des lunettes de soleil de seconde main dans 200 magasins d'ici le mois d'avril", précise à RMC Conso Sandrine Ladoux, directrice de la communication, de la santé et de la RSE du groupe.
Pourquoi uniquement des solaires?
"Parce que les lunettes sont un dispositif médical et les dispositifs médicaux de seconde main ne sont pas encore remboursés par la Sécurité sociale, développe Sandrine Ladoux. Sur de l'optique, seuls les verres neufs seraient remboursés, mais pas les montures d'occasion."
Un projet de remboursement des montures
Un projet de décret est en cours et pourrait voir le jour dans les prochains mois. Le remboursement des montures par les mutuelles permettrait un reste à charge de 0 euros sur une paire de lunettes reconditionnées.
Un bon plan pouvoir d'achat qui pourrait intéresser de nombreux Français, quand on sait que le reste à charge est d'environ 25% sur les lunettes de vue, soit, sur une paire à un prix moyen de 450 euros, une centaine d'euros à sortir de la poche des consommateurs.
Car si le 100% Santé existe déjà depuis 2019 et permet aux plus précaires d'obtenir des lunettes sans reste à charge, une enquête de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) démontrait l'année dernière que ces équipements restaient peu vendus. Ils ne sont pas toujours proposés spontanément par les opticiens, et ne sont par ailleurs pas forcément très attractifs pour les consommateurs, les montures proposées étant à faible coût, sans marque.
"Mais pour obtenir la possibilité d'un remboursement par les mutuelles des montures d'occasion, de marque ou pas, on doit avoir un procédé de reconditionnement de grande qualité", explique Ophélie Vanbremeersch, fondatrice de ZAC, une start-up qui propose des lunettes de seconde main depuis 4 ans et qui a obtenu un agrément expérimental de la sécurité sociale.

Cet accord provisoire lui permet de proposer le remboursement complet, montures plus verres, de ses lunettes d'occasion dans sa boutique de Lille.
"On ne se contente pas de passer un coup de chiffon sur les lunettes: on les trie, on teste leur robustesse, on polit le plastique, on change toutes les visseries, on nettoie et enfin on passe un contrôle qualité," détaille-t-elle.

60% moins cher que du neuf
Résultat, ses lunettes d'occasion, même des plus grandes marques de luxe, qu'elle vend en moyenne 69 euros, soit 60% moins cher que des lunettes neuves, ne coûtent strictement rien à ses clients couverts par une mutuelle.
Et ça marche: après avoir augmenté son chiffre d'affaire de 88% en 2023 par rapport à 2022, Ophélie Vanbremeersch a noué un partenariat avec l'enseigne Ecouter Voir, pour proposer des lunettes de seconde main dans 450 boutiques d'ici la fin 2024 (elle est pour le moment présente dans 91 magasins).
Le marché des lunettes d'occasion, solaires et optiques, n'en est encore qu'à ses prémices mais se développe un peu partout en France, permettant aux consommateurs de s'offrir des montures de marque à un tarif défiant toute concurrence, entre 60 et 80% moins cher que des montures neuves.