Savon en forme de gâteau, gel douche au cookie: attention aux produits d'hygiène qui imitent des aliments

Une boule de bain en forme de sucette à la framboise, un gel douche à la barbe à papa, un savon liquide dans une brique qui ressemble à s’y méprendre à une brique de lait… Les marques ont bien compris que lorsqu’on enrobe un produit d’hygiène d’un emballage qui imite la nourriture, il se vend mieux. Mais cette pratique n'est pas sans risques, notamment pour les plus jeunes consommateurs.

Technique commerciale
Mélanger les codes entre produits d'hygiène et alimentaire est une technique marketing très répandue, qui fonctionne parce qu’avec "leur forme incongrue qui s’écarte des attentes normatives des consommateurs, [ces produits] sont jugés plus attrayants en raison de leur apparence savoureuse", estime un article scientifique de 2016 sur le sujet. Intitulé "évaluer le rôle de la forme et de l'étiquetage dans les emballages qui portent à confusion de produits imitant les aliments: de la preuve empirique aux recommandations politiques", ce projet de recherche a été porté par cinq chercheurs des universités de Rennes, Marseille et de la London school of economics, parmi lesquels Julien Bouillé, maître de conférences à l’université Rennes 2, spécialisé en comportement du consommateur.
Le problème, c’est que "ces éléments de conception des emballages masquent la nature chimique des produits de soin corporel", complète l’étude. Le risque: considérer que ces produits sont plus naturels, et donc non seulement les privilégier dans nos achats, mais aussi les utiliser avec moins de précautions. Ou pire: les confondre avec de la nourriture et les ingérer par erreur.

Risque d'ingestion
Le risque est d’autant plus accru pour les enfants, attirés par les formes, les couleurs ou les odeurs qui leur font penser à des bonbons.
"Il y a un intérêt, évidemment, pour les marques qui, pour se différencier des gammes similaires en rayons et attirer le consommateur, esthétisent leurs produits", commente Julien Bouillé, contacté par RMC Conso.
"Habituellement, la forme du produit doit suivre sa fonction. Par exemple, le Canard WC adopte la forme d’un bec de canard, on comprend tout de suite. Mais lorsqu’on esthétise la forme en copiant les éléments d’emballage de la nourriture pour mieux vendre, la confusion est possible et on expose les gens aux risques de contamination", poursuit-il.
Et le risque est réel: 60 millions de consommateurs parle de 50.000 signalements par an pour la région Ile-de-France seulement, avec "plusieurs cas d’accidents chaque année", selon le Dr Jérôme Langrand, chef du centre anti-poison de Paris, cité par le magazine.
Une pratique pourtant interdite
Un risque tellement réel qu’une loi interdit en fait de commercialiser des produits qui imitent les aliments par leur forme, leur odeur, leur conditionnement ou leur étiquetage dans la mesure où cela peut créer une confusion chez le consommateur. Cette directive européenne transposée dans le droit français en 1992 existe depuis plus de 30 ans et est pourtant assez méconnue.
C’est la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) qui se charge de s’assurer de sa bonne application en faisant des contrôles réguliers. Elle évalue le risque d’ingestion et la dangerosité de ces produits et décide s’ils doivent être retirés du marché. Dans son dernier rapport, en 2021, la répression des fraudes avait relevé 77% de non-conformités sur les 35 prélèvements réalisés. Elle pointait du doigt un problème de maîtrise de la réglementation par les commerçants plus qu’une mauvaise volonté.
Rappel de produits
Mais si elle estime que le produit présente un danger réel, elle peut décider de le rappeler, c’est-à-dire de demander aux consommateurs de rapporter ces produits en magasin ou de les détruire, et aux commerçants de les enlever des rayons et d’en cesser la vente. Cela avait été le cas, par exemple, en 2020 pour une coloration pour cheveux au chocolat conditionnée dans un emballage en forme de gourde.
Une nouvelle directive européenne de mai 2023, qui doit entrer en application en décembre 2024 en France, viendra renforcer la loi sur les produits qui imitent des denrées alimentaires.
En attendant, chaque consommateur a la possibilité de signaler un produit qu’il estime dangereux sur la plateforme signal-conso.