Rachat de SFR: que va-t-il se passer pour les 25 millions de clients?

Des personnes se tiennent devant l'agence de l'opérateur de télécommunications français SFR à Paris, le 16 juin 2025. - EMMA DA SILVA / AFP
Que vont donc devenir les plus de 25 millions de clients de SFR? Ces derniers suscitent les convoitises des trois concurrents de l'opérateur au carré rouge: Bouygues, Orange et Free. Mardi 14 octobre, ils ont déposé une offre de rachat pour acquérir "la plupart des actifs" de SFR pour un montant de 17 milliards d'euros. Derrière le terme "actifs", ce sont précisément des clients qu'il est question.
Pour l'heure ils peuvent souffler. Cette proposition a été immédiatement rejetée par le PDG du groupe, Patrick Drahi. Mais pour combien de temps? Aux yeux de Fabien Charmetant, spécialiste du secteur des télécoms et responsable du comparateur de prix Ariase, ce refus n'était pas catégorique.
"Je pense que Patrick Drahi a plutôt refusé cette offre afin de faire monter les enchères. Il a compris à quel point il est stratégique pour les autres opérateurs de racheter SFR. Et donc qu'il est en position de force", analyse-t-il.
Pour rappel, Altice la maison-mère de SFR (et anciennement de RMC BFM) gérée par Patrick Drahi est lourdement endettée. Pour réduire cette dette, la vente de SFR est très sérieusement envisagée même si officiellement, l'opérateur n'est pas déclaré "en vente".
L'offre de Bouygues, Free et Orange maintenue
Pour Fabien Charmetant, la fait que SFR finira par être vendu est "un secret de polichinelle". La question est de savoir à qui, et dans quelles conditions. Les trois opérateurs concurrents ne sont en effet pas les seuls à être intéressés. Même si aucune autre offre que la leur n'a été déposée pour le moment, les noms d'autres acteurs financiers, notamment des fonds dont certains étrangers, ont été cités.
Dans le cas où le repreneur ne serait pas un concurrent télécom, il n'y aurait pas de changement majeur pour les clients puisque SFR se maintiendrait. Mais, ce scénario est tout de même moins probable.
Bouygues, Free et Orange ont maintenu leur offre de rachat malgré le refus de Patrick Drahi. Ce dernier pourrait donc finir par céder. Ou les trois pourraient accepter d'augmenter le montant de leur offre. Ce qui conduirait à la cession des actifs de SFR, que sont notamment ses 19,3 millions d'abonnés mobile, et les 6,1 millions de clients fixe. À cela s'ajoutent aussi des infrastructures.
Les abonnés SFR répartis entre les trois concurrents?
Si cela arrivait, comment tout cela se répartirait? L'offre de rachat précisait que 43% des actifs iraient à Bouygues, 30% pour le groupe Iliad (la maison-mère de Free), et le reste, 27% à Orange. Toutefois ces trois opérateurs ont refusé de préciser la manière dont ils allaient se partager le parc d'abonnés.
Si vous êtes abonné SFR, il y a donc de grandes chances que vous basculiez chez un autre opérateur. Mais il est encore trop tôt pour dire dans quelles conditions cela se ferait. Fabien Charmetant d'Ariase émet tout de même quelques hypothèses.
"Il me semble très peu probable que les clients aient le choix de leur futur opérateur. En revanche, il y aura assurément une continuité de service. Les opérateurs devront honorer dans les mêmes termes les contrats que ces nouveaux clients avaient signés avec SFR", affirme-t-il.
Vous pouvez donc être un minimum rassuré. Les opérations de rachat dans les télécoms se passent généralement sans encombre pour les clients. En novembre 2024, c'est La Poste Mobile et ses 2,4 millions de clients qui avaient été cédés à Bouygues Telecom. Et cela s'est fait sans aucune interruption de service, sans même que ces clients n'aient à changer de carte SIM.
Faut-il changer d'opérateur dès maintenant?
Fabien Charmetant prend encore les exemples d'anciens fournisseurs d'accès à Internet comme Neuf-Cegetel ou Alice ADSL rachetés en 2008 respectivement par SFR et Free. Là aussi, la transition s'était faite sans encombre. Les clients avaient pu conserver l'offre à laquelle ils avaient initialement souscrite. Et avaient progressivement migré vers d'autres offres de l'opérateur repreneur, ou d'un autre.
C'est donc la même chose qui pourrait se passer avec une éventuelle vente de SFR. On pourrait même imaginer que les clients lâchés par SFR se voient proposer des offres plus avantageuses par leur nouvel opérateur. Et qu'ils soient donc gagnants.
Il n'empêche que la question de changer d'opérateur dès maintenant peut se poser si vous êtes actuellement chez SFR. L'idée de vous faire balader d'un opérateur à un autre peut vous rebuter. Même si cela ne se ferait pas avant de longs mois voire années, le temps que l'offre soit acceptée, puis que le dossier soit examiné par l'Autorité de la concurrence puis l'Arcep.
Des prix moins compétitifs si SFR disparaît?
Mais pour Fabien Charmetant, si votre offre actuelle chez SFR vous convient, il n'y a pas vraiment lieu de changer. D'une part car il y aurait cette continuité de service en cas de rachat. Et d'autre part car les offres concurrentes ne sont pas forcément les plus intéressantes en ce moment.
"La période de rentrée scolaire est habituellement très agressive, les opérateurs multiplient les offres pour attirer des clients. Là ça n'a pas été le cas, on constate même plutôt une hausse des prix des forfaits mobiles", relève le responsable du site Ariase qui publie régulièrement des comparatifs des différentes offres.
Comment l'expliquer? À ses yeux, la situation actuelle entre les opérateurs crée une cristallisation des prix. Trop focalisés sur cet objectif de racheter SFR, les trois autres opérateurs en oublieraient en quelque sorte de chercher à se chiper leurs clients.
Il faut dire que passer à trois acteurs au lieu de quatre serait tout dans leur intérêt. Ils n'auraient plus à se livrer à une concurrence aussi féroce qu'actuellement. Et pour Fabien Charmetant, les consommateurs y seraient perdants. "Il est fort probable qu'avec un marché à trois acteurs, les prix soient moins compétitifs".