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Retraite: un million de bénéficiaires ne touchent pas l'intégralité de leur pension, et vous?

Un couple de retraités remplissant un document (photo d'illustration)

Un couple de retraités remplissant un document (photo d'illustration) - Freepik

D'après l'Assurance retraite, 940.000 assurés âgés de 70 à 90 ans sont en situation de non-recours total ou partiel. Ces personnes passent souvent à côté de pensions pouvant atteindre environ 200 euros.

Même si le Premier ministre François Bayrou affirme qu'il n'en est pas un, le conclave visant à modifier la réforme des retraites de 2023 a bel et bien des airs d'échec. Faute d'accord avec les partenaires sociaux, bien peu de mesures de cette réforme devraient bouger. Et l'âge légal de départ à la retraite devrait être maintenu à 64 ans.

Un crèvecœur pour la majorité des Français, qui comptent les années avant de pouvoir liquider leurs droits à la retraite. Mais savez-vous que des centaines de milliers d'assurés ne touchent pas l'intégralité de leurs droits? Peut-être êtes vous concerné. On vous explique.

En 2025, vous avez peut-être reçu un courrier de la part de l'Union Retraite vous informant de l'existence de droits à des pensions de retraite que vous n'auriez pas réclamées. Ce groupement d'intérêt public chargé de rendre plus simple et plus compréhensible le système de retraites a effectivement mené une importante campagne d'information des usagers sur les trois dernières années, qu'elle décrit dans son dernier rapport d'activité.

Au total, environ 160.000 courriers ont été envoyés à des assurés âgés de 75 et 74 ans (donc nés en 1949 et 1950) ainsi que ceux de 70 ans (1954), qui n'ont pas réclamé certains ou tous leurs droits à la retraite.

Des non-recours qui représentent une sacrée somme. L'Union Retraite rapporte qu'en 2023, 13 millions d'euros ont été reversés en versement unique dans le cadre de droits non réclamés des régimes obligatoires. Auxquels s'ajoutent 20 millions supplémentaires versés sous forme de pensions.

940.000 assurés en situation de non-recours

Comment expliquer un tel non-recours? Commençons par rappeler le fait que la retraite est un droit quérable: c'est à l'assuré de faire la demande des pensions auxquelles il a droit. S'il ne le fait pas, elles ne lui seront pas versées automatiquement. Il sera donc privé de sa retraite du régime obligatoire (retraites de base et/ou complémentaire) ainsi que des éventuels produits d'épargne retraite dont il a bénéficié.

L'Union Retraite explique avoir mené des campagnes d'information auprès de certaines générations d'usagers: 1949, 1950 et 1954 en 2024, puis 1951, 1952 et 1955 cette année. Mais ce non-recours concerne bien toutes les générations.

Dans une étude sur le non-recours aux droits parue en 2024 mais se basant sur des chiffres de 2017, l'Assurance retraite affirme que 940.000 assurés (âgés de 70 à 90 ans) sont en situation de non-recours à un droit du régime général.

Parmi eux, 340.000 étaient en situation de non-recours partiel, c'est-à-dire qu'ils bénéficient déjà d'une retraite auprès d'un autre régime. Et 600.000 sont en situation de non-recours complet, c'est-à-dire que bien qu'ils soient assurés, ils n'ont réclamé aucun droit dans le régime de retraite français.

Beaucoup d'étrangers qui n'ont pas liquidé leur pension

Quasi un million de personnes qui ne réclament pas de l'argent auquel elles ont droit. Cela peut paraître surprenant. Comment l'expliquer? Qui sont ces assurés? Une autre étude, menée elle par la DREES (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques) en 2019 avait tenté de répondre à ces questions.

Elle s'était pour cela appuyée sur des chiffres de 2012 s'intéressant à la génération 1942, âgée alors de 70 ans. Et avait calculé que 7% des assurés de cette génération ne bénéficiaient d'aucune pension de retraite des régimes obligatoires. Tandis que 24% bénéficiaient seulement d'une partie des pensions auxquelles ils avaient droit.

En ce qui concerne ces 7% d'assurés n'ayant liquidé aucune pension, la DREES constatait que le plus souvent ils n'avaient validé que de courtes durées d'assurance. En moyenne 32 trimestres, contre 144 pour les assurés ayant liquidé l'ensemble de leurs pensions.

En outre, ils avaient cessé depuis longtemps de valider des droits dans le système de retraite français. Il faut dire que dans plus de trois quarts des cas, ces assurés sont nés à l'étranger. On peut donc supposer que ces personnes n'ont été que de passage sur le territoire français, et ont validé quelques trimestres qu'ils n'ont jamais pensé à réclamer.

Dans le quart restant d'assurés n'ayant pas réclamé leur retraite figurent donc des Français. On peut imaginer que parmi eux, certains ont pu valider quelques trimestres au début de leur carrière. Avant de partir à l'étranger et de cotiser pour un autre système de retraites. Ou bien de se mettre à travailler en libéral, et donc de cotiser pour une autre caisse, en l'occurrence la Cipav.

Cette dernière a d'ailleurs elle aussi lancé en mai 2025 une grande campagne de communication auprès de certains de ses affiliés. Afin de leur rappeler de liquider leur pension pour ne pas passer à côté d'une partie de leurs droits.

Un manque à gagner d'en moyenne 180 euros

Mais revenons à l'étude de la DREES et intéressons-nous à ces 24% d'assurés n'ayant pas encore liquidé une partie de leurs pensions. C'est surtout le fait de personnes ayant été affiliées à plusieurs régimes au cours de leur carrière. Et qui auraient oublié de liquider la pension à laquelle elles ont droit dans un de ces régimes. Souvent car elle correspond à une période de travail ancienne.

"L'âge moyen lors de la dernière validation de droits dans un régime non liquidé est de 36 ans, contre 56 ans pour les régimes liquidés", nous informe la DREES.

La part d'assurés n'ayant pas liquidé tout ou partie de leurs pensions est donc élevée. Mais les sommes dues ne sont jamais très importantes. Pour les retraités en situation de non-recours partiel, le manque à gagner est d'environ 40 euros bruts mensuels, d'après la DREES.

Pour ce qui est des assurés en situation de non recours total, la pension à côté de laquelle ils passent approche en moyenne les 180 euros bruts mensuels.

En tout donc, ces personnes concernées par le non-recours (partiel ou total) pèsent 32% des assurés. Mais les sommes que leur doit l'Assurance retraite ne représente "que" 2% de tous les droits à la retraite qu'elle verse.

Les chiffres de la DREES, portant sur la seule génération 1942, coïncident avec ceux de l'Assurance retraite. Cette dernière estime à 150 euros le montant moyen des droits salariés non recourus au régime général. Et à 3% la part que représentent ces droits non recourus, par rapport à l'ensemble des retraites personnelles versées.

Un droit à l'information qui se développe

L'assurance retraite l'affirme dans son étude sur le non-recours aux droits: sa mission est de "faire en sorte que chaque assuré bénéficie de ses droits, quel qu'en soit le montant".

Il faut dire que depuis la réforme des retraites de 2003 et son article 10, tout assuré doit disposer d'un "droit à l'information" sur sa retraite. C'est-à-dire que toute personne a le droit d'obtenir un relevé de sa situation individuelle au regard de l'ensemble de sa carrière et des droits qu'elle s'est constitués au cours de celle-ci.

C'est justement pour remplir cette mission d'information qu'Union Retraite a été créé en 2014 par l'État. Son responsable de la communication Thomas Tracou, joint par RMC Conso, raconte la nécessité de cette mission.

"En cherchant à joindre les assurés en situation de non-recours, on se heurte à des gens étonnés d’avoir des droits en attente car ils ne savent pas que la retraite est un droit quérable", explique-t-il.

Le fait que l'Union Retraite fasse depuis 2023 d'importantes campagnes d'information à destination des retraités en situation de non-recours est une action de nature à informer les assurés de ces droits dont ils ignoraient souvent l'existence. Et cela porte ses fruits, puisque suite aux premiers envois de courriers par la poste en 2023, 30% ont fait une demande pour recevoir leur pension non recourue.

Arthur Quentin