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HiPro, Barilla Protein+, Justin Bridou Protéines Boost... Que valent les produits hyperprotéinés?

Danone a été un des premiers à lancer une marque "hyperprotéinée", avec HiPro en 2019.

Danone a été un des premiers à lancer une marque "hyperprotéinée", avec HiPro en 2019. - Danone

Alors que les produits à haute teneur en protéines s'adressaient jusque-là davantage aux sportifs, on en trouve désormais dans toute la grande distribution. Généralement plus chers et pas si intéressants sur le plan nutritionnel, ils relèvent surtout du marketing.

C'est un phénomène qui prend de plus en plus d'ampleur: les produits d'alimentation estampillés "riche en protéines" envahissent les supermarchés. Cela a démarré au rayon des laitages à partir de 2019.

Danone lançait alors HiPro, sa marque de yaourts "hyperprotéinés" s'adressant aux sportifs. Avec un succès revendiqué aujourd'hui par Benjamin Floch, directeur marketing chez Danone. "Avec déjà 3 millions de consommateurs, Hipro est devenu en quelques années seulement le 1er acteur de l’hyper-protéiné sur l’ultra-frais", déclarait-il en 2024 à LSA Conso.

Un succès obtenu à grand renfort d'une intense campagne promotionnelle. Partenariat lors des Jeux olympiques de Paris, avec des athlètes, ou encore vidéos promotionnelles sur Instagram avec des influenceurs comme Inoxtag...

Babybel et Justin Bridou "hyperprotéinés"

D'autres marques de laitages ont alors emboîté le pas à Danone en développant leur gamme "hyperprotéinée". Nestlé avec Lindahl's, Yoplait avec sa gamme de skyrs, ou encore Lidl qui commercialise depuis 2023 des crèmes dessert dopées en protéines sous sa marque Envia. En reprenant par ailleurs un marketing proche de celui d'HiPro.

Mais depuis quelques mois, cette tendance gagne d'autres rayons. Celui des pâtes, avec Barilla qui a lancé sa gamme "Protein+" en février dernier. D'autres types de laitages que les yaourts s'y sont mis, avec par exemple Babybel qui a troqué son célèbre emballage de cire rouge pour une version noire. Mais le plus surprenant, c'est sûrement Justin Bridou qui commercialise une version "Protéines Boost" de ses mini saucissons "Bâtons de berger".

La promesse de tous ces produits: moins de gras et plus de protéines que dans leur déclinaison originale. Promesse généralement respectée. Le Justin Bridou "Boost" contient, pour 100 grammes, 41 grammes de protéines et 20 de matières grasses. Contre respectivement 29 et 42 grammes pour la version nature. Mais à quel prix se fait cette modification nutritionnelle?

Des produits encore plus transformés

Benjamin Voirin est ingénieur agronome et co-fondateur de "In Nuts We Trust", un site Internet et compte Instagram comparant depuis 2018 compléments et autres produits alimentaires destinés aux sportifs. Il souligne que pour obtenir cette amélioration nutritionnelle, les industriels transforment encore davantage leurs produits.

"Pour enlever du gras, ils doivent mettre du texturant. Par exemple des amidons modifiés, qui sont une famille d'additifs dont certains peuvent être nocifs. Provoquer une inflammation dans le corps, voire présenter des risques cancérigènes", explique-t-il à RMC Conso.

La famille des amidons modifiés est effectivement classée "Peu recommandable" par l'UFC-Que Choisir.

Benjamin Voirin constate d'un œil semi-amusé l'essor de tous ces produits. "Avec le saucisson, on a tout de même franchi une sacrée ligne", ricane-t-il en soulignant même l'existence d'une bière protéinée, "Thrive". Mais il se soucie tout de même de voir de tels produits se donner une image "santé", alors qu'ils ne doivent pas être consommés régulièrement.

Une prise de conscience des bienfaits des protéines

Comment expliquer cette tendance soudaine? On peut tenter de l'interpréter comme la conséquence du fait que de plus en plus de gens se mettent au sport. Et les discours incitant à manger plus protéiné pour maigrir et/ou se muscler sont très prégnants. Ils bénéficient même d'une caisse de résonnance grâce aux réseaux sociaux et tous les influenceurs fitness.

Mais la protéine ne s'adresse pas qu'aux sportifs. Selon Benjamin Voirin, on a de plus en plus conscience du fait que ce nutriment est bon pour tout l'organisme et renforce la sensation de bien-être. La plupart des hormones essentielles sont effectivement des protéines: la kératine, l'hémoglobine, l'insuline...

"La protéine n'est plus réservée qu'aux sportifs et aux bodybuilders", synthétise le cofondateur de In Nuts We Trust.

Ainsi, le premier facteur expliquant l'essor de tous ces produits est que tout le monde se rend compte qu'il a besoin de protéines. Mais le deuxième facteur est moins positif: de moins en moins de personnes cuisinent.

Des produits souvent plus chers

En effet, on peut très bien atteindre son quota quotidien de protéines (ou le dépasser si l'on veut se muscler) avec des produits naturels et du quotidien. En se faisant des œufs le matin, de la viande blanche aux repas, du porridge pour ses collations... Mais nombreux sont ceux qui n'en trouvent pas la motivation. Et se rabattent sur des barres protéinées à la place...

"Les marques surfent sur cette flemme, et essayent de faire croire que l'on a besoin de leurs produits pour être plus musclé ou maigrir", estime Benjamin Voirin.

Pour autant, il ne jette pas complètement l'opprobre sur ces produits. Si occasionnellement un consommateur a dû déjeuner à la va-vite et n'a pas pu avoir son quota de protéines, "alors pourquoi pas prendre un yaourt type HiPro pour équilibrer". Mais il insiste, cela doit rester occasionnel.

Pour les raisons susmentionnées, le fait que ces produits restent ultra-transformés et non recommandables pour la santé. Mais aussi car leur prix est souvent particulièrement élevé. D'abord par rapport à leur version normale: chez Carrefour, le Justin Bridou "Boost" revient à 35,57 euros le kilo contre 29,88 euros le classique.

Surtout, ils sont plus chers par rapport à des alternatives naturelles et meilleures pour la santé. In Nuts We Trust a estimé le coût par kilo de protéines pour certains d'entre eux. Par exemple, pour le Babybel protéiné, il est de 84 euros le kilo. Là où pour un œuf bio, il est de 45 euros.

Arthur Quentin