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Le skyr, produit laitier à la mode, arnaque ou aliment miracle?

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Le skyr, genre de fromage blanc venu d'Islande, voit ses ventes exploser d'année en année. On vante souvent ses propriétés nutritionnelles mais il coûte très cher. Vaut-il vraiment son prix? RMC Conso a enquêté.

Le skyr, produit laitier venu du Nord de l'Europe consommé en dessert, s'invite de plus en plus dans les réfrigérateurs des Français. La consommation de ce produit a augmenté de 66% en 2022 et sa hausse a continué en 2023, selon l'institut IRI. Un Français sur quatre en mange. Sur les réseaux sociaux, de nombreux influenceurs notamment dans le domaine du sport vantent ses qualités nutritionnelles. Mais le hic, c'est son prix: en moyenne 8 euros le kilo. Les vaut-il vraiment? RMC Conso a enquêté sur la nouvelle star des laitages.

Le skyr, bon pour la santé

Le skyr est un produit laitier entre le yaourt et le fromage blanc: sa composition ressemble au premier et sa texture au deuxième, bien qu'il soit encore plus dense. Comme le yaourt, il contient du lait écrémé et des ferments lactiques. Il n'est composé que de ces deux ingrédients, à la différence du fromage blanc qui contient de la présure (comme tous les fromages).

Il est plus riche en protéines que le yaourt, qui n'en contient que 4g, et c'est la principale raison pour laquelle il est autant plébiscité par les sportifs. Avec 10g de protéines pour 100g de produit, un taux de sucre faible (3g environ) et pas de matières grasses, il est aussi recommandé par de nombreux nutritionnistes.

Les protéines augmentent la satiété

Son apport protéique est particulièrement intéressant dans le cadre d'une perte de poids, explique Philippe Cayot, biochimiste spécialiste de la nutrition, contacté par RMC Conso. Les protéines ont un effet sur la satiété car elles coagulent dans l'estomac et entraînent une digestion plus longue."

Résultat: la sensation de faim met plus de temps à revenir. Mais pour atteindre cet effet, il faudrait manger au moins 20g de protéines, soit environ un petit pot et demi de skyr (les pots individuels font environ 140g).

Or rechercher une telle quantité de protéines dans un aliment est peu utile pour une majorité de Français, selon Stéphane Walrand, chercheur en nutrition humaine à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), cité par l'UFC Que Choisir. "La grande majorité des Français, y compris les végétariens, ingèrent largement assez de protéines", affirme-t-il.

Le fromage blanc est moins cher

Une alternative au skyr pourrait être le fromage blanc, dont les propriétés nutritionnelles, quand il est 0%, sont quasiment similaires. Il contient un petit peu moins de protéines: 7 à 8g de protéines pour 100g. Il est toutefois trois à quatre fois moins cher: on trouve dans les rayons du fromage blanc à 2 euros le kilo.

Cet écart d'apport protéique d'environ 20 à 30% par rapport au skyr explique en partie la différence de prix entre les deux produits, selon Philippe Cayot: "les protéines, c'est ce qui coûte le plus cher. Donc forcément, plus il y a de protéines, plus c'est cher".

Lorsque l'on questionne les marques, elles justifient le coût élevé du skyr par le temps d'égouttage du produit, plus long que le fromage blanc et le yaourt, et la quantité de lait nécessaire, plus importante que pour ces deux autres produits laitiers.

Deux arguments qui répondent à une certaine logique: le skyr est plus dense, plus riche en protéines, il contient moins d'eau: dans sa fabrication, on a retiré le lactosérum, la partie liquide résiduelle de la coagulation du lait, composée à 94% d'eau. Ainsi, pour obtenir la même quantité de produit, le skyr nécessite plus de lait que le fromage blanc.

Un coup marketing

Mais pas de là à coûter trois à quatre fois plus cher, selon Philippe Cayot. "Ca fait cher la protéine. Il y a un effet de mode, un coup marketing, c'est évident," admet-il.

D'autant que le lait écrémé utilisé pour le skyr coûte deux fois moins cher que le lait entier, comme nous l'a expliqué Christelle Fromentin, productrice de lait à la "laiterie de la Baie", dans la Somme. Christelle a commencé à produire du skyr pour "valoriser le lait écrémé qu'il reste après la fabrication du beurre et de la crème." Une façon d'éviter de jeter ce lait dépourvu de graisses.

Le skyr lui coûte donc moins cher à produire que son fromage blanc au lait entier. "Non seulement le lait écrémé est moins cher, mais en plus il n'y a pas de présure dans le skyr, donc il y a un ingrédient de moins" précise-t-elle. Résultat, dans son épicerie, le skyr est vendu 5 euros le kilo, soit presque deux fois moins cher que celui qu'on trouve dans les rayons de supermarché.

Charlotte Méritan