Les saveurs de Périco: au cœur de la Touraine, Alice et Olivier Loize régalent pour 22€

La Mère Hamard, à Semblançay, en Touraine - Périco Légasse
La Mère Hamard est immortelle. Si le souvenir de Marie Plaudin, veuve Hamard, cuisinière dont le beurre blanc attira les palais initiés de 1903 à 1948 (hormis durant l’Occupation car la patronne refusa d’en vendre aux Allemands), est désormais archivé aux bonnes adresses du passé, l’ancienne auberge de Semblançay s’est reforgé un troisième destin, après l’épisode du couple Pégué, de 1975 à 2016, à l’arrivée d’ Alice et d’Olivier Loize, en 2016.

Ils trouvèrent ici le sanctuaire adéquate à leur passion: accueillir et donner à manger. Avec ses vieilles pierres, sa toiture en ardoise et sa cour jardin, l’écrin semble avoir été taillé sur mesure pour consacrer le bonheur de ce couple de tourtereaux dont la première vertu est de recevoir le client dès la première fois comme s’il était un habitué.
Fille de Sophie et Jean Bardet, qui signèrent quelques grandes heures de la gastronomie française à Châteauroux et à Tours, Alice est imprégnée de la ferveur débordante et spontanée d’une maman inépuisable. Quant à Olivier, il a su gérer la savoureuse personnalité de beau-papa pour se faire un prénom et un nom sans que ça ait besoin de barder.
Et si les aînés ont dressé une table d’hôte à La Barachonnerie, là où Charles Martel repoussa les Arabes en 733, près de Tours, pour que le grand chef continue à délirer de gourmandise avec ses terrines, ses rôts et ses fricassées, les jeunes s’affirment à Semblançay dans un style et un esprit qui leur est propre. Eux c’est eux et eux c’est eux…
Nouvelle donne post-Covid
Ce n’est plus un secret que l’hôtellerie restauration traverse une période compliquée depuis la pandémie de 2020 et que mœurs et pratiques ont évolué, notamment du côté du personnel. Servir est une vocation et le métier demande de la disponibilité et un sens du devoir continu, valeurs mises à mal par l’idée que l’on peut, aujourd’hui en France, gagner sa vie sans subir de contraintes.
Aussi, constituer une équipe stable et complète pour faire tourner un établissement comme il se doit relève souvent du challenge, tandis que le pouvoir d’achat n’accorde plus autant de marge aux dépenses de loisir et bien-être, la sortie au restaurant étant la première soumise à restriction budgétaire. Une nouvelle donne imposée à la profession avec des épreuves et des tensions poussant beaucoup d’hôteliers restaurateurs à jeter l’éponge.
Qu’à cela ne tienne, Alice et Olivier relèvent le défi et tiennent leur maison avec enthousiasme, le service est assuré par un personnel charmant et les tarifs de la maison sont des plus raisonnables vu le niveau de la prestation.
Premier témoin de cette prouesse, proposé au déjeuner, le menu à 22€ servi à La Table d’Olivier Loize, avec choix entre deux plats et deux desserts, genre fricassée de volaille à la thaïlandaise sauce satay, coriandre fraîche et riz basmati, sur une note asiatique, ou filet de lieu sauce champagne et sa poêlée de légumes verts, plus classique, suivi de petits choux chocolat-caramel sauce chocolat ou d’une tarte au citron et son coulis de fruits rouges. Une formule sur laquelle Alice suggère le chinon cuvée Granges de la Perrière 2023 du Domaine Baudry-Dutour à 29€.

Petites rations pour petits appétits
S’adaptant à leur époque, les patrons intègrent l’évolution des appétits en suggérant une formule apéro à base de petites rations pouvant parfaitement constituer un repas, tel le foie-gras de canard cuit en terrine au naturel et sa gelée de vouvray moelleux à 19€, les grosses crevettes panées sauce aigre douce (5 pièces) à 21€, les feuilles de riz soufflé, tartare de thon rouge au caviar (3 pièces) à 26€, les nems d’agneau confits sauce tomate et harissa maison (3 pièces) à 16€ et l’incontournable terrine d’Olivier au foie-gras de canard, figues et pistaches sur pain de campagne toasté à 14€.

Un gentil exercice révélateur de la sensibilité du chef au travers d’associations osées mais cohérentes. Les plus forts en gueule pourront prolonger l’aventure en consultant la carte où un carpaccio de daurade royale aux agrumes et sa tuile au piment d’Espelette (21€) et un onglet de bœuf comme un tataki sauce chimichurri (19€), postés aux entrées, puis le steak de thon rouge au satay et ses légumes du moment poêlés au gigembre (31€), le ris de veau de doré au beurre puis laqué au citron confit et purée de pomme de terre (45€) ou les cuisses de poulet fondantes marinées au yaourt grec et aux épices puis rôties et leur tzatziki (32€), confirment la très nette inclination du chef pour les saveurs orientales repensées à sa façon.
Il ne serait pas raisonnable de taire l’un des fleurons de ce répertoire, ci-devant burger de la Mère Hamard (elle s’en réjouirait si elle y goûtait) au filet de black angus, garni de cheddar vintage affiné, de bacon fumé, de cornichons pickles surmonté d’une sauce secrète et flanqué de frites à l’ancienne, petit joyau culinaire facturé 22€, confirmant la stature d’Olivier Loize, formidable metteur en scène des produits du marché et de la saison, et justifiant, pour bien des palais avisés, l’expédition à Semblançay.
Flacons nobles ou paysans
Trop soucieuse de respecter les codes fondamentaux de la juste gastronomie tels que son père les lui a transmis, Alice se fait un honneur de disposer d’un inventaire de flacons nobles ou paysans dont le contenu donne la plus parfaite réplique aux spécialités de de son époux.
Pour preuve cette rencontre entre les langoustines poêlées aux fèves et fondu de basilic avec le chinon blanc les Closeaux 2022 en cépage chenin de Bertrand Couly à 42€ et celle des raviolis chinois aux cuisses de canard confites et effilochées sur un consommé de champignons et copeaux de foie-gras aux herbes fraîches avec le touraine amboise rouge 2023 de Xavier Frissant à 42€.
Quoi de plus exquis que cette arrière-saison pour jouir des douceurs du Val de Loire dans cette cour jardin imprégnée de bien-être et de gourmandise. L’occasion de faire une pause à la fois sensorielle et culturelle au pays des châteaux et de séjourner dans une demeure aux chambres cossues et pleines de charme. Ici règne l’esprit de Rabelais et cette nonchalance qui caractérise l’art de vivre à la Tourangelle. Une destination qui mérite un peu plus qu’un détour.
La Mère Hamard, Alice et Olivier Loize, 2 rue du Petit Bercy, 37360 Semblançay. Tel. : 02 47 56 62 04. Menus à 22, 79 et 115€, carte 50/80€. Chambres de 121 à 130€.