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Pâques: trois fois moins cher que l'agneau français, que cache le prix du gigot néo-zélandais?

Le gigot d'agneau est très consommé au moment de Pâques.

Le gigot d'agneau est très consommé au moment de Pâques. - -

La viande d'agneau française a augmenté de 34% par rapport à 2024, d'après la Fédération nationale ovine. Pour Pâques, on trouve donc en rayon du gigot importé de Nouvelle-Zélande et vendu presque trois fois moins cher. Mais que cache ce prix?

L'agneau pascal que vous mangerez lors du déjeuner de Pâques aura-t-il parcouru 20.000 kilomètres avant de se retrouver dans votre assiette? Au supermarché on trouve effectivement de plus en plus de viande d'agneau importée de Nouvelle-Zélande.

Et elle a un avantage de taille par rapport à la viande d'agneau française, irlandaise, britannique ou même espagnole: son prix. Le kilo de gigot d'agneau néo-zélandais peut se trouver à moins de 10 euros, là où pour la même viande française vous en aurez pour en moyenne 27 euros.

Une inflation du gigot de 34% sur un an

L'agneau élevé chez nous a même particulièrement augmenté en un an. L'année dernière, le gigot pouvait encore se trouver autour de 21 ou 22 euros en grandes surfaces. Michèle Boudoin, présidente de la Fédération nationale ovine (FNO), évoque une hausse de 34% sur un an pour ce morceau correspondant aux cuisses postérieures de l'animal. Pour cette éleveuse dans le Puy-de-Dôme, l'explication de cette inflation est évidente.

"L'année 2024 a été un séisme sanitaire avec la fièvre catarrhale ovine. Énormément de troupeaux ont été frappés l'été dernier par cette maladie qui a tué beaucoup de nos brebis. La production de l'année a donc été extrêmement perturbée", explique Michèle Boudoin à RMC Conso.

Cette éleveuse confie avoir elle-même perdu 15% de ses brebis. La stratégie de ces éleveurs frappés par cette fièvre a donc été de laisser grandir des agnelles qui auraient normalement dû être abattues et vendues à l'automne. Pour qu'elles deviennent des brebis et puissent mettre bas des agneaux aujourd'hui.

Une baisse de la production en France

En résumé, sacrifier les ventes de l'automne pour se focaliser sur le printemps, véritable temps fort pour tous les éleveurs ovins. Pâques juive (Pessah), catholique et orthodoxe ainsi qu'Aïd: lors de toutes ces fêtes religieuses on consomme de l'agneau. "Nous le secteur ovin, on est très œcuméniques", s'amuse Michèle Boudoin.

Mais pour combler les pertes de l'automne, ces éleveurs n'ont d'autre choix que d'augmenter le prix de leurs agneaux. D'où les augmentations constatées cette année en boucherie et au supermarché.

En outre, la production ovine baisse. D'après le ministère de l'Agriculture, le cheptel français a perdu 617.000 têtes entre 2013 et 2023. Il compte environ 6,5 millions d'animaux aujourd'hui. Pas de quoi couvrir l'intégralité de la consommation française donc.

La France obligée d'importer de l'agneau

D'après la FNO, seuls 44% de la viande ovine consommée en France en 2023 est d'origine française. Pour que tout le monde puisse trouver de l'agneau à Pâques, nous n'avons donc pas d'autre choix que d'en importer.

Pendant longtemps, les trois principaux pays d'où provenaient les agneaux d'import étaient relativement proches: le Royaume-Uni d'abord (40% des importations en 2022 d'après FranceAgriMer). Suivi de l'Irlande (23%) et l'Espagne (14%).

Mais ces trois pays là sont également frappés par un recul de leur production ovine. pour compenser, la Nouvelle-Zélande, qui représentait 14% des importations en 2022 contre 12% en 2021, envoie de plus en plus d'agneaux dans nos rayons de supermarchés. Et cette viande a donc la particularité d'être beaucoup moins chère.

L'année dernière, on trouvait du gigot néo-zélandais à neuf euros. Cette année, lui aussi a subi une inflation mais dans une bien moindre mesure. "Pourtant, eux n'ont pas subi la fièvre catarrhale ovine. Ils profitent simplement de la disponibilité du marché", reproche Michèle Boudoin.

L'agneau néo-zélandais conditionné dans de l'azote

Que cache donc ce prix? D'abord sur le plan purement gustatif, la présidente de la FNO le reconnaît: "En termes de qualité, c'est un agneau qui correspond aux nôtres". Mais le consommateur doit avoir plusieurs choses à l'esprit avant de l'acheter.

Pour se retrouver dans nos rayons, il a parcouru près de 20.000 kilomètres. Un voyage au lourd coût environnemental donc. Mais aussi, son conditionnement lors de ce périple n'est pas un gage de la meilleure fraîcheur. Après avoir été découpés en Nouvelle-Zélande, les morceaux d'agneaux sont plongés dans de l'azote liquide afin qu'ils puissent être gardés plusieurs mois.

Une fois arrivés en France, les morceaux sont sortis de l'azote et conditionnés pour être vendus. Cet agneau néo-zélandais acheté en avril a donc été abattu autour de décembre ou janvier dernier. Alors qu'un morceau français est issu d'une bête abattue à peine une dizaine de jours avant sa mise en marché.

La loi de l'offre et la demande explique aussi ce prix si bas de l'agneau néo-zélandais. Le cheptel ovin y atteint 25 millions de têtes, pour seulement 5 millions d'habitants. Ce pays peut donc se permettre de brader sa production à d'autres pays.

Acheter au mieux français, au moins européen

Pour Michèle Boudoin, le consommateur doit agir de manière responsable lorsqu'il achète de la viande d'agneau.

"Le fait qu'il y ait de l'importation est certes un mal nécessaire; nous ne pouvons pas couvrir toute la demande d'agneau français. Mais le consommateur doit soutenir au mieux la filière ovine française, au moins celle européenne qui respecte globalement les mêmes critères de production. Il faut donc regarder les étiquettes et faire un choix éthique", plaide cette éleveuse.

Au supermarché, regardez les prix et les origines. La viande d'agneau irlandaise ou britannique est en général dans les mêmes gammes de prix que celle française. Parfois même un peu moins chère, comme elle arrive directement en carcasse chez nous. Et elle sera normalement tout aussi bonne.

Et si vous tenez absolument à acheter français, mais que vous n'êtes pas prêt à débourser jusque près de 30 euros le kilo pour du gigot, il y a une solution. Préférez un morceau d'agneau moins cher. L'épaule d'agneau par exemple est tout aussi tendre et savoureuse, et peut se trouver autour de 21 euros le kilo.

Arthur Quentin