Voici comment Liebig a discrètement abandonné les légumes "100% français" dans ses soupes

Ces soupes de Liebig portaient encore récemment la mention "100% Légumes Français", remplacée par une plus floue: "100% d'ingrédients naturels". - RMC Conso
Liebig s'est-il rendu coupable de "cheapflation", cette stratégie consistant à substituer un ingrédient par un autre moins cher sans pour autant baisser le prix? Comme l'a récemment constaté 60 Millions de Consommateurs, la célèbre marque a remplacé les étiquettes de ses soupes en bouteille plastique. Le logo "100% légumes français" qui figurait auparavant a discrètement été remplacé par un autre: "100% d'ingrédients naturels".
Ce nouveau logo est placé au même endroit et a la même police que le précédent. Il fallait donc avoir l'œil pour se rendre compte de ce tour de passe-passe. Il faut dire que ce que signifie ce changement d'étiquette n'est pas vraiment à l'avantage du consommateur.
En catimini, Liebig a tout simplement modifié ses ingrédients. Comme l'explique 60 millions de consommateurs, dans la mesure où cette soupe est un produit transformé, la réglementation n'impose pas à la marque d'indiquer l'origine de ses ingrédients.
"Tant que Liebig utilisait des légumes français, il ne se privait pas de l'afficher, drapeau tricolore à l'appui", écrit l'association de consommateurs.
Liebig plus en mesure de s'approvisionner en France
Le fait que la marque ait retiré ce logo signifie qu'elle ne peut plus l'utiliser. Et donc qu'au moins une partie des légumes utilisés pour fabriquer cette soupe ne sont pas français. Sur son site, la marque entretient ce mystère. Liebig préfère nous dire que ses soupes en bouteille sont préparées avec "beaucoup d'amour" que de nous indiquer l'origine des ingrédients... Là où pour ses soupes en brique, elle indique bien que les légumes sont "d'origine UE et non UE". Une mention peu transparente pour le consommateur.
Interrogée par RMC Conso, la marque se justifie en affirmant qu'elle n'est plus en mesure de se s'approvisionner en France pour certains des ingrédients, "afin de pallier les conséquences concrètes du dérèglement climatique qui impactent les cultures et les récoltes de légumes". Mais insiste sur le fait que certains de ses légumes sont toujours 100% français. C'est le cas des carottes et des potirons.
"Pour pouvoir afficher 'légumes 100% français', il faut que l'ensemble des légumes, même ceux présents en très petites quantité dans nos soupes, soit cultivé en France", explique Nicolas Ouziel, directeur général de GB Foods, maison-mère de Liebig.
Une volonté d'adopter le 100% Français tombée à l'eau
On peut faire remarquer que cette modification de composition, bien que légère selon GB Foods, constitue un important rétropédalage pour Liebig. En effet, cette gamme de soupes en bouteilles avait été lancée en grande pompe en 2019. La marque communiquait alors beaucoup sur sa volonté de rendre ses produits meilleurs, notamment en augmentant l'origine France de leurs ingrédients.
Vous vous souvenez peut-être de cette campagne de publicités télé où Liebig expliquait avoir tenu compte des critiques de consommateurs à l'égard des soupes industrielles pour améliorer les siennes. Et leur rendait grâce avec ce slogan: "Merci d'avoir fait grandir nos soupes".
L'ancien directeur général de GB Foods France Vincent Prolongeau confirmait alors dans une interview pour le site de l'Ilec vouloir étendre le 100% français à d'autre gammes de ses soupes. Finalement c'est donc l'inverse qui s'est produit. Liebig a abandonné la production 100% française pour sa seule gamme qui avait cet attribut en raison d'impératifs industriels.
A priori la même soupe vendue plus d'un euro plus cher
Il est en tout cas cocasse de voir comment le marketing autour de cette gamme a évolué. En remontant les archives du site de Liebig, on peut voir que dans la rubrique "Toutes nos soupes", elle était encore présentée comme "Les soupes 100% Légumes français" jusqu'en octobre 2024. Ce qui montre bien que cette origine tricolore était la vraie valeur ajoutée de ces soupes.

Désormais, cette même gamme s'appelle simplement "Les soupes en bouteille".

Le consommateur peut alors se demander: qu'est-ce qui différencie cette gamme de soupe en bouteille plastique de celle en brique carton? Et justifier l'écart de prix notable entre les deux? RMC Conso a relevé dans un magasin Intermarché que le "velouté de tomates" était à 4,05 euros le litre en bouteille, contre 2,63 euros le litre en brique.
Liebig ne donne aucune information là-dessus: si on regarde les faces avant des étiquettes ce sont des produits similaires. Pourtant, RMC Conso a bien remarqué une petite différence. Dans la liste des ingrédients figurant au verso, la brique de velouté de tomates contient des "arômes naturels", alors que celle en bouteille n'en contient pas.
Vaut-il mieux acheter en brique ou en bouteille?
Ce détail a toute son importance pour Kelly Frank, ingénieure en sciences des aliments ayant fondé Goûm, une agence aidant les consommateurs et les marques à aller vers plus de naturalité.
"La présence d'arômes, qu'ils soient estampillés 'naturels' comme ici ou non, est un marqueur d'ultra-transformation. La soupe en bouteille plastique est donc meilleure que la brique", relève-t-elle.
Effectivement lorsque l'on regarde les propriétés de l'une et de l'autre sur le site OpenFoodFacts, on s'aperçoit que la brique de velouté de tomates est Nutri-Score B et Nova 4 (ultra-transformée). Tandis que la bouteille plastique est Nutri-Score A et Nova 3 (transformée).
Dernière petite différence: la soupe en bouteille est légèrement plus riche en légumes puisqu'elle contient 64% de "jus de tomate à base de concentré". Là où la brique en contient 57%.
En conclusion, Liebig a donc bel et bien modifié la recette de ses soupes en bouteille, même si la marque assure à RMC Conso qu'une partie de ses légumes est toujours d'origine française. Mais tout de même sans en informer le consommateur et en gardant le même prix. On peut donc y voir là de la cheapflation.
Malgré tout, cette soupe reste de meilleure qualité que la version en brique. Ce qui peut justifier l'écart de prix entre les deux.