Jérôme de Carglass, le chimiste de Calgon... Les "experts" mis en scène dans les pubs sont-ils des acteurs?

La publicité habille souvent de blouses blanches ou de combinaisons de mécanicien ses intervenants, qui nous vantent les mérites d’une marque sous couvert d’expertise.
Les consommateurs ne sont pas toujours dupes mais certaines publicités sont suffisamment bien faites pour nous faire douter. D'autant que la loi à ce sujet est assez souple: l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité explique que les marques sont libres d’avoir recours à des acteurs pour leurs publicités, ou bien de faire intervenir un vrai professionnel du secteur, qu’il soit salarié de la marque ou pas.
Il y a tout de même quelques exceptions à ce principe. RMC Conso fait le point et passe à la loupe trois publicités diffusées à la télévision au cours des dernières années.
Jérôme, de Carglass

Jérôme est un vrai technicien Carglass. Tout comme Olivier et Sébastien. La marque a décidé de confier à ses collaborateurs l’incarnation de ses publicités.
"L’objectif est que les publicités soient les plus authentiques possibles, explique Jérôme Raynal, responsable d’agence Carglass à Toulouse, à RMC Conso. Moi j’ai été technicien pendant des années, puis chef d’équipe. Dans les publicités, on parle de ce qu’on connaît, de ce qu’on fait au quotidien".
Le scénario est malgré tout écrit à l’avance, et les dialogues appris par cœur et répétés jusqu’à trouver le ton juste.
La publicité Calgon

De nombreux experts se relaient dans les publicités de la célèbre marque de produits anticalcaire Calgon. Chercheurs, chimistes et plombiers nous expliquent à quel point une eau trop dure abîme nos lave-linges.
Mais ces spécialistes sont en fait tous des acteurs. Jacques Guillet est l’un d’entre eux, il a joué un chercheur dans une publicité Calgon il y a une dizaine d’années et raconte à RMC Conso les coulisses du tournage:
"Nous avons tourné à Prague, en République tchèque, dans une école, avec des machines à laver apportées par la marque pour l’occasion. Il y avait trois scénarios différents, tournés pendant la même journée pour Calgon, avec un défilé de faux experts."
Une publicité entièrement scénarisée donc, dont les affirmations soi-disant scientifiques sont loin de faire l’unanimité. Selon des enquêtes des associations UFC-Que Choisir et 60 millions de consommateurs, le Calgon est inutile dans les régions où l’eau est peu calcaire. 60 millions de consommateurs ajoute que "même si votre eau est très dure, les lessives contiennent déjà un anti-calcaire. En réalité, les risques de réduire la durée de vie de votre machine sont minimes, car les dépôts de calcaire se forment surtout à haute température, au-delà de 60°C."
La publicité Oral B

Dans la publicité Oral B, le Dr Bertrand Larmoyer, chirurgien-dentiste, recommande chaudement le dentifrice de la marque pour protéger ses gencives. La publicité indique également que le Dr Larmoyer exerce à Londres. Pourquoi Londres? Tout simplement parce que le Code de la santé publique interdit aux dentistes basés en France de faire de la publicité. Il considère que les actes médicaux ne sont pas une marchandise.
Plus précisément, l’article R4127-225 du Code de la santé publique indique que "le chirurgien-dentiste doit éviter dans ses écrits, propos ou conférences toute atteinte à l'honneur de la profession ou de ses membres. Est également interdite toute publicité intéressant un tiers ou une entreprise industrielle ou commerciale". L’objectif de cette proscription est d’éviter les dérives commerciales. La même règle s’applique d’ailleurs pour les médecins.
Contacté par RMC Conso, le Dr Larmoyer assure qu’il ne recommanderait pas un produit qu’il estime de mauvaise qualité.
"Il y a plusieurs marques qui proposent de bons produits, et ça ne me pose pas de problèmes de les recommander. Si une autre marque réputée et qui fait de bons produits recommandables m’avait contacté, j’aurais probablement accepté aussi," nous dit-il.
Il reconnaît toutefois que son intervention dans la publicité n’est pas spontanée mais issue d’un scénario écrit par la marque. Quand on le questionne sur la rémunération perçue pour cette apparition télévisée, il répond que "les annonceurs souhaitent qu’elle reste confidentielle".
RMC Conso a demandé l'avis d'un praticien basé en France, le Dr Anthony Barakat, dentiste à Bordeaux. Pour lui, "on ne peut pas vraiment recommander une marque plutôt qu’une autre, en tout cas il n’y a pas d’argument médicalement fondé, l’essentiel est le brossage, c’est tout". D’ailleurs, un test comparatif de l’association 60 millions de consommateurs pointait du doigt, en 2022, un dentifrice Oral B qui contenait des substances problématiques comme le sodium lauryl sulfate, mauvais pour les muqueuses, ainsi que du dioxyde de titane et de la silice hydratée, pouvant contenir des nanoparticules.
Le consommateur doit donc faire le tri entre informations sincères et discours purement commercial dans les publicités, et rester vigilant en ce qui concerne les incitations à l’achat qui reposent sur des arguments présentés comme scientifiques. L’idéal étant de s’informer à l’aide de comparatifs d’achat complètement indépendants.