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Gagner 30 centimes en rapportant ses bouteilles en verre: assiste-t-on au retour de la consigne?

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Les initiatives pour relancer le système de consigne du verre, tombé en désuétude dans les années 1990, se multiplient. Comment ça marche, est-ce intéressant pour le consommateur? RMC Conso a enquêté.

Est-ce vraiment le retour de la consigne du verre? Populaire dans les années 1970, elle a disparu dans les années 1990 au profit des emballages en plastique à usage unique. Mais ces derniers sont de plus en plus controversés pour leur impact sur l'environnement et sur la santé des consommateurs. Face à ce constat, de jeunes entreprises lancent des initiatives pour remettre la consigne du verre au goût du jour.

Réduire nos déchets

"Il y a une urgence à limiter nos déchets plastiques: on jette 36 millions de bouteilles par jour", martèle Thibaut Mallecourt, fondateur de Drink Dong, une start-up née fin 2022 qui livre chaque jour à ses 2000 clients des boissons dont les bouteilles sont consignées.

Une urgence à laquelle la loi AGEC de 2020, ou loi anti-gaspillage, entend répondre. Parmi les solutions proposées par la législation, il y a le réemploi des emballages, avec un objectif fixé à 6% pour 2024 et 10% pour 2027.

Livraison et récupération à domicile

Ces jeunes entreprises ont bien compris que, pour relancer le dispositif, il faudrait le moderniser et le rendre attractif aux yeux de consommateurs, dont les habitudes ont bien changé depuis les années 1970. Ainsi, Drink Dong propose un service de commande en ligne, de livraison à domicile et de récupération des bouteilles vides.

Un système qui pallie plusieurs problèmes: le poids du verre, contrainte non négligeable pour le client, l'oubli (qui est une difficulté rencontrée par 22,5% des consommateurs selon un rapport du Conseil national de l'économie circulaire d'avril 2023), ou tout simplement la contrainte de temps et de transport (l'éloignement du point de collecte est une difficulté pour 20% des personnes interrogées, selon ce même rapport).

Dans le même esprit, l'entreprise La Tournée a lancé son épicerie en ligne de produits à contenants 100% consignés. Elle aussi prend les commandes en ligne, livre et récupère les emballages.

L'obstacle du prix

Mais le principal obstacle pour ces start-up, c'est le prix.

"On essaie de coller au plus près des prix de la grande distribution, notamment en créant notre propre marque distributeur, mais on compare ce qui n'est pas comparable. Le verre coûte beaucoup plus cher que le plastique. On privilégie les produits locaux et bio. Et on n'a pas le même pouvoir de négociation que les distributeurs pour tirer les prix vers le bas," justifie Juliette Poiret, fondatrice de La Tournée, contactée par RMC Conso.

Côté grande distribution, les enseignes s'y mettent timidement. Carrefour s'est lancée la première en décembre dernier. En février, l'entreprise Petrel a annoncé nouer un partenariat avec Système U et Leclerc pour la mise en place de points de collecte dans 14 hypermarchés d'Ile-de-France.

"On est contents des premiers retours, il y a un enthousiasme des clients avec un fort taux de récupération des bouteilles. Grâce à un positionnement prix compétitif et le montant de la consigne récupéré par le client, les gens reviennent," note Hugues Pelletier, PDG de Petrel.

10 à 40 centimes en bons d'achat

Effectivement, l'incitation pour les consommateurs réside dans les quelques dizaines de centimes qu'ils récupèrent à chaque bouteille rapportée: entre 10 et 40 centimes, selon la taille du contenant et selon les entreprises qui le proposent.

Souvent, cet argent est distribué sous forme de bons d'achat. Une manière de fidéliser le consommateur. Il peut aussi être récupéré par le client en monnaie s'il ne souhaite pas repasser commande.

Un gain qui ne comble toutefois pas encore la différence de tarif entre bouteilles en verre et bouteilles en plastique. Sur le site internet de Système U, on constate que si le litre de Coca Cola en bouteille consignée (1,48 euros) est plus intéressant que le litre en bouteille plastique (1,59 euros), ce n'est pas le cas de toutes les marques qui participent à l'initiative. Par exemple, la limonade Lorina est bien plus chère dans sa version consignée : 3,71 euros le litre, contre 1,38 euros pour la version plastique.

Augmenter les volumes pour diminuer les coûts

La mise en place de la logistique de récupération des emballages en verre, les coûts de transport, de nettoyage, de réétiquetage et de remise en service sont répercutés sur le prix final et ne pourront être amortis qu'à la condition que de très importants volumes soient réemployés.

"Plus il y aura de volume, moins ce sera coûteux. On compte à terme sur un effet d'échelle qui fera que le coût de réemploi sera moins important que le prix de rachat de verre neuf," détaille Juliette Poiret.

Un espoir qui n'est pas utopique, la preuve: la marque de bière Meteor, en Alsace, réemploie ses bouteilles en verre depuis 50 ans et démontre que le coût du réemploi est moins important que celui du rachat à neuf.

Sans compter l'intérêt écologique, dans la mesure où le réemploi optimisé du verre permettrait la réduction de 79% des émissions de gaz à effet de serre issues de l’utilisation de contenants à usage unique, selon l'ADEME, l'agence pour la transition écologique.

"Mais peu d'industriels se lancent, regrette Juliette Poiret. Il faudrait plus d'incitations, des sanctions... Cela nous permettrait d'aller plus vite".

Une loi pas assez contraignante?

Le problème, c'est que la loi n'est pas assez contraignante, selon l'asssociation Zero Waste France, qui a publié son évaluation de la loi AGEC en février 2024, et estime que "si la loi AGEC a permis d’enclencher un investissement dans des solutions pour développer le réemploi et la réparation, elle n’a pas permis la transition vers le déploiement d’infrastructures et de systèmes à même de les généraliser à grande échelle."

En cause selon elle, un rétropédalage du gouvernement, qui, par la voix de son ex-secrétaire d'État à la Transition écologique, Bérangère Couillard, avait annoncé en juin 2023 l'obligation de la mise en place de consignes pour réemploi dans la grande distribution, avant que le ministre Christophe Béchu ne revienne dessus en septembre, pour annoncer que les initiatives se feraient finalement sur la base du volontariat.

Toujours selon l'association écologiste, 10 millions de contenants seront réemployés en 2024 sur les 90 milliards d'emballages que l'on utilise chaque année... Bien loin, donc, de l'objectif non contraignant de 6%.

Des initiatives partout en France

Un chiffre peu encourageant, mais qui n'atteint pas l'enthousiasme des nombreuses start-up à se lancer et qui permettent de couvrir aujourd'hui l'ensemble de l'hexagone.

Ainsi, vous pouvez trouver des entreprises qui utilisent le système de consignes de verre ou des points de collecte en Ile-de-France avec La Tournée et 14 hypermarchés U et Leclerc, Drink Dong en Bretagne, Champagne-Ardenne et Bourgogne, Le Fourgon dans les grandes métropoles (Lille, Grenoble, Lyon, Bordeaux, Toulouse…), Swiv en Normandie, ou encore la Consigne de Provence dans le sud-est. Cette liste n'est évidemment pas exhaustive.

Charlotte Méritan