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Guerre en Ukraine: comme les Américains et les Britanniques, la France pourrait-elle imposer un embargo à la Russie?

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Contrairement aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, l'Europe est très dépendante de ses importations de gaz et de pétrole russe. Un embargo contre la Russie serait donc très difficile à tenir et provoquerait une nouvelle flambée des prix voire des pénuries.

Les Américains et les Britanniques ont annoncé un embargo sur les importations des hydrocarbures russes. Pourrait-on faire pareil en France? La question se pose: peut-on encore moralement et politiquement acheter du gaz provenant de Russie? Cela revient à financer la guerre. C’est ce qu’a écrit François Hollande dans une tribune dans Le Monde. C’est aussi ce qu’a dit Joe Biden, qui veut arrêter de “subventionner la guerre de Poutine”.

Pour vous donner une idée des chiffres, le gaz, c’est 50 milliards de dollars de recettes encaissées par la Russie l’an dernier. Et le pétrole, c’est bien plus encore, 110 milliards pour le brut, 70 pour les produits raffinés. Couper ce robinet, c’est la sanction ultime, c’est “l’arme nucléaire économique”.

C’est la décision, donc, des Américains et des Britanniques. Mais ils sont très loin d’être dans la même situation que nous, les pays de l’Union européenne, car là aussi, il faut regarder les chiffres.

Les Etats-Unis importent seulement 8% de leur pétrole de Russie. C’est moins de 10% aussi pour les Britanniques. Pour l’Union européenne, c’est 30%. Et pour le gaz, c’est pire. Les Européens en dépendent très fortement: 40% de la consommation des 27 vient de Russie. Dans neuf pays, c’est même plus de la moitié des quantités importées. On comprend mieux la frilosité européenne à suivre l’embargo américain.

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Un risque de choc pétrolier

La Russie est maître du jeu. C’est le troisième producteur mondial de pétrole, le deuxième exportateur mondial avec onze millions de barils par jour. Si on ne les achète plus à Moscou, il faut les trouver ailleurs et c’est loin d’être simple. D’autant qu’avant la guerre, le marché du pétrole était déjà particulièrement tendu. Les experts estiment qu’il n’y a pas de source capable de compenser aujourd’hui un arrêt des exportations russes.

Le premier effet serait d’aggraver encore le choc pétrolier que nous vivons. 130 dollars le baril aujourd’hui et demain 200 dollars ? 2,50 le litre à la pompe? Ce scénario est jugé possible par des économistes.

Pour le gaz, c’est la même chose. À court terme, on pourrait sans doute faire sans le gaz russe, avec nos réserves stratégiques. Mais comment envisager l’hiver prochain?

Il faudrait trouver d’autres fournisseurs comme la Norvège, l’Algérie, l’Azerbaïdjan… Mais ces pays en fournissent déjà beaucoup, et ont peu de marge pour en produire plus. On pourrait aussi se tourner vers le gaz naturel liquéfié, qui est livré par bateau depuis les Etats-Unis ou le Qatar. Mais là encore les quantités ne seraient pas suffisantes, et on manquerait aussi d’infrastructures, de ports méthaniers pour le transformer.

Un sommet européen à Versailles

La conclusion, c’est que ce gaz coûterait encore plus cher. Il est déjà en train de flamber, plus 60% en moins d’une semaine. Et surtout, on en manquerait. On parle de “scénario extrême”, mais plausible, avec des coupures, des chaînes de production mises à l’arrêt.

Et les 10 millions de foyers français chauffés au gaz seraient frappés de plein fouet. Il faudrait réduire drastiquement notre consommation. D’où ce chiffre qui a été donné, si chacun réduit d’un degré son chauffage à la maison, c’est 10% en moins de gaz à importer depuis la Russie.

Enfin, la dernière conséquence, c’est que cette pénurie entraînerait un retour contraint vers le charbon, une catastrophe pour la planète.

Il va falloir devenir moins dépendant de la Russie. Mais en attendant, la piste d’un blocus semble écartée. L’Allemagne, qui est encore plus dépendante que la France, n’en veut pas. Le Chancelier estime que les importations sont “essentielles à la vie quotidienne des Européens”. Et l’Elysée dit plutôt travailler à une stratégie “au long cours pour supprimer la dépendance aux produits russes”.

Ce sera notamment l’objet du Sommet européen qui a lieu jeudi, à Versailles. Diversifier l’approvisionnement et accélérer sur les énergies du futur, renouvelables et hydrogènes.

Sébastien Krebs