Taxe foncière: ces villes font payer le ramassage des poubelles plus cher que cela ne leur coûte

Des poubelles à puce en Seine-et-Marne (illustration) - BFM Paris
En France, chaque habitant produit 561kg de déchets ménagers tous les ans. Leur collecte est assurée par un service public, financé via une taxe: la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.
Vous ne le saviez peut-être pas, mais cette taxe, vous la payez en ce moment même: elle est intégrée à la taxe foncière, envoyée sous format numérique jeudi 28 août à tous les propriétaires de biens immobiliers. Les locataires n'y échappent pas: les propriétaires qui louent leur bien ont le droit de la répercuter dans le montant des charges.
C'est donc une taxe qui nous concerne tous, ou presque. Quelques rares personnes peuvent en être exonérées, comme de la taxe foncière, et dans certains cas la commune peut décider, à la place de la taxe, d'appliquer une redevance d'enlèvement des ordures ménagères, dont le système diffère légèrement. Mais cela concerne peu de monde: la gestion des déchets est financée pour les deux tiers par la taxe sur les ordures ménagères.
Une hausse de 20% sur cinq ans
Or cette taxe est en hausse depuis plusieurs années. Selon l'UFC-Que choisir, elle a augmenté de 20% en moyenne sur cinq ans. Cette hausse est-elle justifiée? Oui, pour l'association, puisque le coût de la collecte et le traitement des déchets a augmenté de 22% entre 2020 et 2024. En cause selon elle: la flambée des dépenses énergétiques et l'augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes.
Selon l'association Intercommunalités de France, elle est aussi liée à des objectifs européens à atteindre en matière de gestion des déchets (par exemple, la généralisation du tri), qui représentent des investissements de la part des communes.
Le problème, c'est que le montant de la taxe d'ordures ménagères varie fortement selon les collectivités, chacun appliquant un taux de prélèvement différent. Cela peut aller du simple au triple: la taxe est de 67,95 euros en moyenne par habitant à Brest, contre 240 euros à Paris. Une inégalité qui est, selon l'UFC-Que Choisir, injustifiée.
Une taxe détournée?
Mais ça ne s'arrête pas là: selon un document de l'Ademe (Agence de la transition écologique) révélé par Le Monde lundi 25 août, plus de la moitié des collectivités prélèvent plus de taxe d'ordures ménagères qu'elles ne dépensent pas pour la collecte et le traitement des déchets. Il est pourtant illégal de faire de la trésorerie avec cette taxe, censée servir uniquement à la gestion des déchets.
Le journal donne l'exemple de Dijon Métropole, qui a prélevé en moyenne 110,32 euros par habitant en 2022 alors que la gestion des déchets ne lui a coûté que... 69,17 euros par habitant.
Interrogées par le quotidien, les collectivités pointées du doigt justifient ces surplus par les investissements nécessaires à l'amélioration du traitement des déchets. Des coûts qui dépassent parfois la dizaine de millions d'euros.
Malgré cela, les tribunaux donnent régulièrement raison aux contribuables qui s'estiment lésés. Dernier exemple en date, les habitants de Saint-Amand-les-Eaux, dans le Nord, ont reçu des "chèques pouvoir d'achat" d'un montant de 115 euros en juin, après un procès gagné contre l'agglomération qui avait prélevé trop de taxe d'ordures ménagères en 2021.
Ces exemples accentuent les crispations autour de cette taxe jugée injuste par certains contribuables. Car en plus d'être parfois excessive, elle n'a pas de lien direct avec le volume des déchets des habitants. Outre le taux librement appliqué par la collectivité, son montant dépend de la valeur locative cadastrale du bien, autrement dit le montant que le propriétaire pourrait espérer en tirer à l'année s'il le louait.
La tarification incitative, la solution?
Cela signifie que la taxe d'ordures ménagères n'évolue pas en fonction des potentiels efforts des habitants pour réduire leurs déchets. Pour pallier cette incohérence, un peu plus de 200 communes ont mis en place la "tarification incitative": grâce à des puces installées sur les poubelles, les services de collecte de déchets sont capables de mesurer le volume de déchets jetés par les habitants. Et modulent leurs taxes d'ordures ménagères en fonction de ce volume.
Celui qui sortira ses poubelles tous les jours paiera donc plus cher que celui qui ne les sortira que tous les trois jours, même s'il habite un logement trois fois plus grand.
Pour l'instant, le dispositif ne concerne qu'environ 11 millions de personnes. L'objectif d'équiper 25 millions de contribuables en 2025 ne sera pas atteint. Il fait malgré tout ses preuves: selon l'association écologiste Zero Waste France, il a permis de réduire de 30% le volume d'ordures ménagères dans les communes qui l'ont mis en place.