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L'UFC-Que choisir alerte sur un prétendu remède à la gueule de bois vendu en pharmacie

"Alcoool" ne repose sur aucune efficacité scientifique.

"Alcoool" ne repose sur aucune efficacité scientifique. - JOEL SAGET © 2019 AFP

Un complément alimentaire baptisé “Alcoool” supposé lutter contre la “gueule de bois” et commercialisé par Nonna Lab est vendu dans plusieurs pharmacies, alors même que son efficacité n'a jamais été prouvée.

Des beuveries sans conséquences. C’est la promesse sur laquelle repose “Alcoool”, un complément alimentaire sous forme de boisson. Élaboré par l'entreprise française Nonna Lab, il est vendu 19 euros le trois bouteilles de 10 cl sur le site de la marque. Mais cette boisson qui prétend pouvoir neutraliser les effets négatifs de l’alcool pose plusieurs problèmes.

En plus d’inciter à une consommation excessive d’alcool, ses effets ne reposent sur aucune étude, comme le rapporte l’association de consommateurs UFC-Que Choisir. Interrogée par RMC Conso, Sylvie Ané, infirmière et coordinatrice de soins en addictologie au Centre de Soins d'Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA), nous livre son analyse.

Aucune étude, aucune efficacité

L’utilisation de ce complément alimentaire est assez simple puisqu'il suffirait de la consommer avant de commencer à boire. "Les vitamines contribuent à réduire la fatigue", quand la poire Nashi "booste la production des enzymes hépatiques" et la figue de barbarie permet de "soulager la gueule de bois", d'après la description de la boisson. Toute cette théorie est cependant largement remise en question par les spécialistes.

“C’est un produit dont l’efficacité n’est basée sur aucune étude, et s’il y en avait une, elle montrerait que ce produit n’a aucun intérêt”, affirme Sylvie Ané.

En effet, l’efficacité de l’ingrédient star de ce complément alimentaire, la poire nashi, n’a été prouvée par aucune étude, comme le rapportent nos confrères de l’UFC-Que Choisir. Nonna Lab ne s’est par ailleurs pas donné la peine de mener ses propres essais cliniques.

“Dans les faits, aucune fédération ou association savantes en addictologie ne peuvent vanter les mérites de cette boisson”, insiste l’infirmière en addictologie. Par ailleurs, le registre européen qui liste les allégations autorisées, ne mentionne pas la poire nashi.

L’encouragement d’une conduite à risque

En plus de ne reposer sur aucune efficacité scientifique, ce type de produit encourage une consommation excessive d’alcool. “C’est d’autant plus pervers que ça pousse à boire, ça fait passer un vrai message incitatif”, dénonce Sylvie Ané. Pour cause, plutôt que de réduire leur consommation et d’éviter les conduites à risque, les consommateurs risquent au contraire d'en abuser.

Dans sa communication, Nonna Lab se positionne comme un expert de la "gueule de bois". “Le fait que ce soit commercialisé en pharmacie donne une espèce de caution scientifique à cette boisson”, analyse la coordinatrice de soins en addictologie. “Ils font de l’argent sur le dos d’une conduite à risque”, ajoute-t-elle.

Mais cela n’empêche pas 2.000 officines de commercialiser le produit, certains pharmaciens n’hésitent pas à poser fièrement à côté du produit, comme on peut le constater sur la page Instagram de la marque.

"Il faut aussi comprendre que tous les produits vendus en parapharmacie n’ont pas d’efficacité scientifique prouvée, mais le fait qu'ils soient vendus en pharmacie leur donne une légitimité", confie Sylvie Ané.

Une communication problématique

Boire sans s'attarder sur les conséquences. C'est l'objectif affiché par Nonna Lab si on en croit ses posts sur les réseaux sociaux. "La marque n'hésite pas à opposer le Dry January à un Happy February", analyse l’UFC-Que Choisir.

"Ce message est complètement irresponsable sur le plan social, et en retard par rapport au mouvement de la société, qui s’oriente plus vers une diminution de la consommation d’alcool", commente Guylaine Benech, consultante-formatrice et autrice du livre Les ados et l’alcool - Comprendre et agir à nos confrères.

Par ailleurs, lors du lancement du produit, la marque n'a pas hésité à faire appel à des ambassadeurs étudiants. Pire, certains posts mettent même en scène des enfants pour faire des parallèles avec un lendemain de soirée. Malgré la polémique, ces derniers n'ont toujours pas été supprimés.

Sabrine Mimouni