"C'est trop cher": les Français contraint de changer leur mode de consommation face à l'inflation

L'activité en France résiste au premier trimestre. Le PIB augmente de 0,2% sur les trois premiers mois de l'année malgré le contexte d'inflation et le mouvement contre la réforme des retraites. Une estimation dévoilée par l'INSEE hier légèrement supérieure aux prévisions (+0,1%). Mais la consommation des ménages - qui tire traditionnellement l'activité économique à la hausse - est restée stable entre janvier et mars par rapport à fin 2022 alors que l'inflation alimentaire continue d'être très forte avec une hausse de près de 14,9% en avril.
Certains économistes évoquent même la tendance d'une "déconsommation" : les coûts des produits poussent les Français à consommer moins et différemment. En volume, les Français ont acheté 2,4% de moins en avril par rapport à l'an dernier.
"C'est trop cher, ce n'est plus possible !"
Fromage, radis, jambon, pains au chocolat, céréales… Agnès, mère de quatre garçons, ressort de ce supermarché de Vanves (Hauts-de-Seine) avec un caddie bien rempli. Mais avec l'inflation, elle a dû grandement modifier les repas de toute la famille:
"Depuis un an, on a modifié beaucoup de choses. On mange beaucoup moins de viande: la viande rouge devient exceptionnelle, même pas une fois par mois. Eventuellement du poisson, qu'on a aussi diminué. Et très peu de fromages. C'est trop cher, ce n'est plus possible", explique-t-elle.
Depuis plus d'un an, avec cette forte inflation, les consommateurs achètent moins. Un phénomène qui touche désormais toute les couches de la population. Paula, secrétaire dans une grande entreprise, doit désormais faire des choix et dit "beaucoup limiter" sa consommation:
"On prend plus de légumes surgelés, qui coûtent moins chers que les légumes frais. Puis on invente de nouvelles recette avec très peu. Il faut bien se nourrir…"
Ceux qui le peuvent continuent de se faire plaisir. Les desserts, les confiseries ou les sodas n'ont pas vu leur volume de vente se contracter. Pour limiter la facture, Ahmed, comme beaucoup de consommateurs, a simplement décidé de changer de gamme de produits: "Je ne vais plus chercher la grande marque et je prends l'équivalent. Ce n'est pas le même goût, ça ressemble, mais ça me revient beaucoup moins cher."
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"Des arbitrages sévères" pour Yves Puget (LSA)
Statistiquement, les changements d'habitudes des consommateurs sont très clairs: moins de grandes marques, plus d'achats dans les enseignes discount. "Les Français sont en train d'arbitrer sévèrement" analyse Yves Puget, directeur du magazine spécialisé dans la grande distribution LSA.
"Les Français commencent par des changements d'enseigne, en allant dans une enseigne discount. Ils achetaient beaucoup de marques nationales, désormais ils achètent des marques distributeurs avec une forte croissance sur les premiers prix. Moins de produits frais, de viandes, de poissons, de fruits et légumes, parce que, hélas, ce sont des produits qui sont chers."
Les renégociations entre industriels et distributeurs réclamés par le ministère de l'Économie et la Première ministre Elisabeth Borne ne devraient pas permettre de faire baisser les prix avant l'automne prochain.