Comment expliquer l’essor de Jysk, le nouvel Ikea danois qui s’implante partout en France?
Connaissiez-vous Jysk? Si vous habitez une ville de plus de 100.000 habitants, probablement pas. Cette enseigne danoise d’ameublement implantée en France depuis 2007 a accéléré son développement depuis 2020, jusqu’à atteindre une cadence d’une ouverture par mois, comme l'a repéré BFM Business.
La dernière en date: Denain, près de Valenciennes. Une commune qui compte environ 20.000 habitants. La stratégie de Jysk est de s’implanter dans les petites et moyennes agglomérations.
Ainsi, l’enseigne a choisi de s’installer à La Teste de Buch, en Gironde, plutôt qu’à Bordeaux, à Saint-Mitre-les-Remparts, dans les Bouches-du-Rhône, plutôt qu’à Marseille, ou encore à Persan, dans le Val d’Oise, plutôt qu’à Paris. En Ile-de-France, Jysk ne compte d’ailleurs que trois magasins, les deux autres étant en Seine-et-Marne.
Concurrencer Ikea
Jysk se situe sur le même créneau qu’Ikea: la vente de meubles et de petite décoration à prix abordables. Elle s’en différencie en s’implantant là où le géant suédois n’est pas. Ses magasins sont aussi beaucoup plus petits: environ 1.250 m² contre 15.000 m² pour Ikea, qui représente aujourd’hui 10% des ventes d’articles de décoration en France, selon les experts de l'institut d'études privé Xerfi.
Avec désormais 74 magasins dans l’hexagone, son succès a de quoi interpeller. Le secteur de l’ameublement n’est en effet pas en très grande forme. Selon les chiffres de l’IPEA (Institut de prospective et d’études de l’ameublement), en 2023, les ventes ont baissé de 2,5% en valeur et 8% en volume. En attestent également les liquidations judiciaires successives d’Habitat, Made, et, il y a quelques jours, Interior’s.
L'exception de la grande distribution
Quand on regarde toutefois les chiffres en détail, on constate d’importantes disparités selon les types de magasins. Les spécialistes ainsi que les enseignes de milieu et haut de gamme souffrent des impacts de l’inflation, la baisse de pouvoir d’achat et la crise du marché de l’immobilier (avec des ventes dans l’ancien qui ont chuté de 22% en 2023).
En revanche, la grande distribution de l’ameublement, dont font partie Jysk et Ikea, se porte plutôt bien et connaît même une évolution positive d’1,4%. Un succès aux raisons comparables à l’engouement pour les discounters tels qu’Action ou Centrakor: les intentions d’achat des Français sont plutôt dirigées vers la petite décoration et les meubles "meublant" (canapés, table basse, tapis…) à bas prix.
Des objets que l’on peut acheter, déplacer, et finalement renouveler à l’envi. C’est ce qu’on appelle aussi péjorativement la "fast déco". Cette tendance à vouloir soigner sa décoration intérieure remonte à l’époque Covid, pendant laquelle l’importance d’être bien chez soi était d’autant plus grande, mais ne s’est pas tarie depuis. A l’inverse, les rayons cuisine et salle de bain sont eux impactés par la situation de l’immobilier.
Présence en ligne et démarche RSE
Jysk s’est spécialisée dans le mobilier de jardin, qui représente 35% de son chiffre d’affaires. D’où l’intérêt de cibler les agglomérations de petite taille, où les consommateurs ont plus de chances d’avoir un logement avec un accès à l'extérieur.
L’enseigne mise par ailleurs sur le multi-marques, notamment dans le domaine de la literie, ce qui lui permet de diversifier son offre, et sur les ventes en ligne. Elle fait partie des dix principaux acteurs du commerce en ligne européen selon Cross Boarder Commerce Europe, qui vient de publier son classement (évidemment Ikea est numéro 1).
Dernière stratégie gagnante: une démarche RSE (responsabilité sociétale des entreprises) fortement mise en avant. Une page de son site internet y est consacrée, et déroule les initiatives prises par l’enseigne danoise en matière de durabilité environnementale. Or 86% des Français attendent des marques des solutions aux enjeux environnementaux et sociétaux, selon un sondage de l’institut Kantar d’octobre 2023.