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Tupperware relance ses célèbres boîtes, entre innovations et réunions 2.0 sur les réseaux sociaux

Tupperware a perdu 18% de chiffre d'affaires en un an.

Tupperware a perdu 18% de chiffre d'affaires en un an. - AFP

Tupperware a failli disparaître l'année dernière. Mais la filiale France des célèbres boîtes a bien l'intention de revenir en force grâce à des nouveautés et des canaux de distribution qui s'éloignent (un peu, mais pas complètement) de l'historique modèle de vente à domicile.

Tupperware: la marque est si connue qu'elle est entrée dans le langage courant, pour désigner des boîtes de conservation hermétique. Et si le nom semble définitivement ancré dans la langue française, la marque, elle, a pourtant bien failli disparaître.

En septembre 2024, le groupe américain annonçait être en faillite, avant d'être sauvé grâce à un accord avec ses créanciers. La filiale française, elle, a échappé de peu à la liquidation judiciaire. Placée en procédure de sauvegarde, elle a été reprise in extremis par Cédric Meston, le fondateur de la marque de substituts végétaux HappyVore.

Or, depuis fin juillet, Tupperware France est bel et bien sortie de sa procédure de sauvegarde. Comment son repreneur espère-t-il relancer la marque, certes emblématique mais un peu désuète, de boîtes hermétiques? RMC Conso a interrogé Cédric Meston.

Née en 1946

Tupperware, c'est une marque fondée en 1946 aux États-Unis. Mais au fait, comment ça se prononce, Tupperware?

"Alors ça, bonne question, ça fait débat au sein de l'entreprise, moi je dis 'teupeurwère', certains disent 'teupeurouare', en fait je ne suis pas complètement sûr de la bonne prononciation," répond avec amusement Cédric Meston.

Vérification faite, il semble que la prononciation correcte soit "teupeurwère": "ware" veut dire "marchandises", et la marque a été fondée par un certain Earl Tupper, inventeur américain qui, durant son temps libre, cherchait ce qu'il pouvait bien faire de chutes de polyéthylène. Est ainsi née la fameuse boîte hermétique en plastique, véritable révolution pour la conservation des aliments.

Invention de la vente directe

Au début de leur commercialisation, les ventes de boîtes Tupperware ne décollent pas. Jusqu'au jour où une vendeuse a l'idée d'organiser des réunions pour faire des démonstrations des produits, et les vendre directement à domicile. C'est l'invention du système de vente directe, qui arrivera en France autour des années 1960.

Et c'est un véritable carton: les clientes sont conquises par l'aspect pratique des boîtes et le côté chaleureux de ces réunions entre copines ou entre voisines. Le modèle de vente développé est particulièrement ingénieux: difficile de dire non à son amie vendeuse, "on se sent un petit peu obligée d'acheter, eu égard à l'hôtesse," confiait une cliente dans un reportage de 1978, publié par l'INA.

Car la particularité du modèle repose aussi sur la rémunération de la vendeuse-hôtesse, uniquement via des commissions sur ses ventes, de l'ordre de 20%. Pendant les réunions, les vendeuses avaient aussi la possibilité de coopter de nouvelles recrues.

Un système donc très bénéfique pour la marque qui, en plus de compter sur le bouche-à-oreille et une publicité gratuite, n'a pas eu besoin de salarier ses vendeuses. À l'époque, 4.000 réunions Tupperware se tenaient par jour en France et le modèle a tenu bon pendant plus de 50 ans: en 2010, la marque faisait encore près de 200 millions d'euros de chiffre d'affaires dans l'Hexagone, et comptait 24.500 vendeurs, selon un article des Echos.

Concurrence d'Internet, critiques du plastique, Covid...

Et si, selon Cédric Meston, la marque comptait même jusqu'à 40.000 vendeurs en 2019, son succès a fortement pâti durant les années 2010 de la concurrence d'internet, mais aussi de la mauvaise image du plastique, peu écologique et nocif pour la santé. Coup de grâce: la crise du Covid, qui a mis à l'arrêt les réunions Tupperware.

"Le chiffre d'affaires mondial est alors passé de 4 milliards à 2 milliards de dollars," explique le repreneur. En 2022, il est même tombé à 1,3 milliard. En France, après la déclaration de faillite du groupe au mois de septembre 2024, la filiale est stoppée nette. Pendant les trois premiers mois de 2025, le chiffre d'affaires est à 0.

"C'est un pari risqué, mais la reprise d'entreprises en difficulté me passionne. Notre objectif, c'est de passer de 0 euros de chiffre d'affaires à 100 millions d'ici la fin de l'année. Pour l'instant, on est à la moitié," se targue Cédric Meston.

Pour cela, celui qui entend vendre la marque dans cinq pays européens compte sur trois canaux de distribution différents: la vente en ligne, la grande distribution et... la vente directe, pour conserver son modèle historique.

Vente directe 2.0

"Nous avons 2.500 vendeurs en France dont nous allons sauver les emplois", assure-t-il. Il mise aussi, bien sûr, sur une version 2.0 du modèle Tupperware: la vente directe, mais sur les réseaux sociaux.

Car finalement, les influenceurs de TikTok et d'Instagram qui vantent les mérites du dernier produit à la mode ne sont que l'héritage de ce modèle. Un modèle que compte donc se réapproprier Tupperware.

"C'est un complément de salaire très attractif pour les vendeurs, qui peuvent gagner jusqu'à 60.000 euros par an," promet Cédric Meston. Peut-être pas autant que les influenceurs les plus suivis d'Internet, mais un joli chèque à la clé tout de même.

À condition de bien vendre, évidemment. Pour simplifier le processus d'achat, Cédric Meston explique avoir mis fin aux "bons papier" pour digitaliser entièrement l'expérience, grâce à une application.

Innovation et nouveaux matériaux

Et pour attirer plus d'acheteurs, la marque innove: les boîtes hermétiques sont loin d'être le seul produit vendu. Plus de 200 accessoires différents sont désormais commercialisés, de la pochette de conservation en silicone aux ustensiles de cuisine en passant par les gourdes isothermes.

Les matériaux de fabrication ont également dû être repensés pour plaire à des consommateurs qui veulent réduire leur usage du plastique: le silicone, très résistant à la chaleur, mais aussi le verre et l'inox, plus vertueux, remplacent peu à peu le plastique, même s'il reste présent dans 50% des produits.

Point noir malgré tout: la fabrication n'est plus française depuis 2018, date de fermeture de l'usine de Joué-les-Tours. Elle est maintenant essentiellement asiatique ou mexicaine, même si Cédric Meston espère relocaliser une partie de la production en Europe.

Les prix peuvent également être prohibitifs: comptez 50 euros pour une gourde, 28 euros pour une pochette en silicone... Des tarifs que Cédric Meston jusitifie par "la durabilité, et la qualité".

Des arguments qui convaincront peut-être les adeptes du fait maison, de plus en plus nombreux. La marque pourra sans doute aussi compter sur les plus nostalgiques, séduits par le côté "vintage" de la marque. Reste à voir si cela suffira pour contrer la concurrence à bas prix des plateformes chinoises qui envahissent le marché français.

Charlotte Méritan