"Règlement en 3x sans frais": le paiement fractionné, une pratique répandue mais pas sans risques

Le paiement fractionné ou paiement en plusieurs fois est une pratique de plus en plus répandue chez les commerçants et plébiscitée par les Français. Selon le baromètre Kantar "Tendances de consommation et usages des paiements en Europe", pour FLOA, de décembre 2023, 7 Français sur 10 y ont déjà eu recours. 38% l'utilisent même régulièrement pour régler leurs achats.
Pourtant, la pratique n'est pas dénuée de tout risque. RMC Conso vous explique pourquoi.
Acheter tout de suite, payer plus tard
La promesse est alléchante: avoir ce qu’on veut tout de suite, mais payer plus tard... Pour les commerçants, le paiement fractionné représente également une aubaine: selon le livre blanc “Benchmark KPI Ecommerce 2024 en France”, Karmen, Alma et Hive d'octobre 2023, les marchands qui le mettent en place voient leur chiffre d'affaire augmenter de 10% en moyenne.
Résultat, on trouve ces options de paiement chez 72% des marques. Depuis août 2023 par exemple, la SNCF propose aux acheteurs de billets de plus de 120 euros de payer en trois ou quatre fois (avec frais).
Selon l'étude Kantar pour FLOA, le paiement fractionné aide les consommateurs à gérer leur budget et à conserver de la trésorerie. Il les incite même à faire des achats plus durables, toujours selon l'étude.
Une relation tripartite entre client, marchand et banque
Mais attention: il ne s'agit pas d'un arrangement entre commerçant et client. Il y a, derrière ces paiements fractionnés, un organisme, une banque, néobanque ou fintech parmi lesquels Alma, FLOA ou Klarna, par exemple, qui avance l'argent et règle le commerçant directement. Le consommateur lui, est donc engagé avec cet organisme qu'il rembourse sur une période échelonnée d'un à trois mois.
Souvent appelée "solution", "facilité", voire "coup de pouce", il s'agit d'une forme de mini-crédit qui ne dit pas son nom. C'est ce que dénoncent les associations de consommateurs.
Selon l'association UFC Que choisir, qui alertait sur cette pratique déjà en novembre 2021, "à l’étape du règlement, la faible somme à débourser (20 euros par exemple pour un blouson à 80 euros), minimise très nettement la perception de la dépense chez le consommateur".
D'autant que pour les achats de moins de 200 euros sur une durée de remboursement de maximum trois mois, le paiement fractionné n'est pas soumis aux règles du crédit à la consommation.
Pas de vérifications de l'organisme
Cela signifie que que le consommateur est bien moins protégé que pour un crédit classique. Sa solvabilité n'est pas vérifiée, le délai de rétractation n'est pas obligatoire, les taux d'intérêt, s'ils sont quand même censés ne pas aller au-delà du taux d'usure, peuvent exploser, selon Me Alexandre Peron, avocat spécialisé en droit bancaire, contacté par RMC Conso.
"Le problème, c'est que comme il n'y a pas de vérification de la solvabilité du souscripteur, le risque d'impayé est présent pour l'organisme. Il va donc faire supporter le coût de ce risque via des taux d'intérêt très élevés," explique-t-il.
Et même lorsque la solution de paiement est sans frais pour le consommateur, le crédit n'est jamais gratuit.
"Lors d'un 3 ou 4 fois sans frais, c'est le commerçant qui paye le crédit. De cette manière, l'organisme échappe au taux d'usure. Mais in fine, ce coût est forcément répercuté d'une manière ou d'une autre sur le consommateur, à travers une hausse de prix par exemple," ajoute Me Peron.
Risque de surendettement
Le risque, en cas de cumul de paiements fractionnés, est d'être entraîné dans la spirale du surendettement.
"Ces solutions de paiement visent des ménages modestes qui n'ont pas la trésorerie nécessaire pour payer leur lave-linge par exemple en une seule fois. Et comme elles échappent au radar de la loi sur le crédit à la consommation, qui lui est strictement encadré, c'est un peu le pot de terre contre le pot de fer," souligne l'avocat spécialisé en droit bancaire.
Car même dans le cas où le taux d'intérêt est nul ou négligeable, d'autres frais peuvent se cacher derrière ces offres attirantes, notamment des pénalités de retard qui elles non plus ne sont pas encadrées. Si la plupart s'astreignent à appliquer un taux de 8%, le plafond prévu pour les crédits à la consommation, certains infligent 15% de pénalités aux mauvais payeurs.
Une loi pour encadrer le paiement fractionné
L'Union européenne s'est d'ailleurs récemment emparée du sujet, et une directive a été adoptée en octobre 2023 par le Conseil: elle prévoit d'encadrer le paiement fractionné de la même manière que les crédits à la consommation.
Même pour des sommes très faibles et des durées de remboursement très courtes, la solvabilité de l'emprunteur devra ainsi être vérifiée, de même que son éventuelle inscription au fichier des incidents de paiement.
Les conseils de RMC Conso
1- Si vous souhaitez opter pour un paiement en plusieurs fois, pensez à toujours vérifier si l'offre est proposée sans frais ou avec frais. S'il y a des frais, calculez leur montant: un chiffre qui paraît à première vue dérisoire peut représenter un pourcentage du prix de l'achat très important.
2- Vérifiez également dans les conditions générales de vente les pénalités prévues en cas de retard de remboursement, et à partir de quel délai de retard ces pénalités sont appliquées (chez certains, elles le sont dès 24 heures de retard).
3- Demandez si la rétractation est possible sur l'option de paiement en plusieurs fois. S'il n'est pas obligatoire, ce droit est parfois mis en place de façon spontanée par les organismes.
4- Réfléchissez avant de souscrire: pensez à votre budget, à vos échéances de paiement à venir et à vos crédits en cours pour être sûr que ce paiement en plusieurs fois entre dans votre budget.
Et si vous avez des difficultés à gérer votre budget, vous pouvez utiliser une application pour vous aider: il en existe plusieurs, comme bankin, linxo ou spendee.