Sommeil: les compléments alimentaires à base de mélatonine sont-ils efficaces?

Des compléments alimentaires dans une pharmacie. - BFMTV
Un Français sur deux estime mal dormir. C’est le constat d’une étude menée par l’institut de sondages Odoxa dont les résultats sont parus en février dernier. Près de 33% des sondés affirment faire des nuits de moins de 6 heures, un chiffre largement en dessous des 7 heures minimales quotidiennes recommandées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).
Ce "déclin du sommeil", comme le qualifie un bulletin de Santé publique France, pousse de nombreux Français à se tourner vers des compléments alimentaires à base de mélatonine supposés améliorer la qualité du sommeil et accélerer l'endormissement. Mais que valent réellement ces produits? RMC Conso a interrogé le docteur Jonathan Taieb, médecin spécialiste du sommeil.
La mélatonine, hormone "du sommeil"
La mélatonine est une molécule naturellement présente chez chacun d’entre nous puisque le cerveau la sécrète dès la fin de journée. Son action "soporifique" favorise l’endormissement. "Elle possède en outre une activité chronobiotique qui participe à la synchronisation de notre horloge biologique avec le rythme circadien, ce cycle de 24 heures auquel la plupart des fonctions de notre organisme sont soumises" explique l’Inserm.
"La mélatonine a deux indications. La première est chronobiotique, c’est-à-dire qu’elle agit sur l’horloge biologique. La deuxième est soporifique, c’est-à-dire qu’elle crée une induction du sommeil" détaille le docteur Jonathan Taieb.
C’est ainsi que de nombreux compléments alimentaires à base de mélatonine ont fait leur apparition dans les parapharmacies françaises. Selon l’Anses, ces produits connaissent "une grande notoriété, le nombre de boîtes vendues étant estimé à 1,4 million par an".
Des bénéfices très discutables
La dose de mélatonine de synthèse présente dans les compléments alimentaires sans ordonnance ne doit pas excéder 2 milligrammes (mg). Au-delà de cette dose, elle nécessite une prescription. Le docteur Jonathan Taieb affirme par ailleurs que ces derniers ne représentent pas un traitement adapté aux troubles du sommeil.
"Les compléments alimentaires pour le sommeil ne constituent en rien le traitement de référence de l’insomnie. Il y a beaucoup de médicaments à base de mélatonine de synthèse à moins de 2 mg sur le marché, mais ils sont en aucun cas un traitement adapté", prévient le médecin du sommeil.
Il estime que seule "la valériane a été validée scientifiquement pour des insomnies légères, mais aucun complément à base de mélatonine ne traite véritablement une insomnie chronique". Le médecin pointe également du doigt les "fausses promesses" de ces produits dont "les pubs passent souvent à la télé". En effet, la communication menée autour des supposés bienfaits de ces produits pousse une partie des consommateurs à les essayer.
L’Anses alerte sur les effets indésirables
"La mélatonine est souvent perçue comme un médicament inoffensif avec peu d’effets secondaires, alors qu’il y en a. Elle est notamment déconseillée en cas d’utilisation de traitement à base d’anti-coagulant, car elle peut potentialiser les effets de ce dernier. Elle est aussi déconseillée pour les femmes enceintes", prévient les spécialiste du sommeil.
En effet, dès 2018, l’Anses s’est penchée sur les effets secondaires des compléments alimentaires à base de mélatonine après avoir reçu près de 90 déclarations d’effets indésirables, dont "19 suffisamment complètes pour faire l’objet d’une analyse d’imputabilité".
"Les effets les plus déclarés étaient des symptômes généraux (céphalées, vertiges, somnolence), des troubles neurologiques (tremblements, migraine), gastro-entérologiques (nausées, vomissement, douleur abdominale) et psychiatriques (cauchemars, irritabilité)", détaille l’agence.
"Rien ne justifie une prise de mélatonine au long court"
"Je conseille surtout la mélatonine dans la gestion du décalage horaire, des troubles de l’horloge biologique et des retards de phases qui touchent parfois certains adolescents. Mais si elle est prise au long cours, je pense qu’elle n’a pas vraiment d’utilité", avance le médecin.
En ce qui concerne les prises sur plusieurs mois supposés traiter les troubles du sommeil, le médecin est très clair: "Rien ne justifie une prise de mélatonine au long cours. S’il y a une plainte, il faut l’identifier, consulter et mettre en place un traitement. Le traitement de référence "de l’insomnie chronique" est la thérapie cognitivo-comportementale et non les compléments alimentaires", insiste-il.