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Alimentation

15% de fréquentation en moins cet été: les restaurants sont-ils trop chers et trop nombreux?

La terrasse vide d'un restaurant en Ardèche (photo d'illustration).

La terrasse vide d'un restaurant en Ardèche (photo d'illustration). - RMC - Clara Gabillet

Le secteur de la restauration traverse une crise qui est encore plus marquée cet été, avec environ 15% de fréquentation en moins. Les arbitrages des Français, qui ont moins de pouvoir d'achat, en sont la principale cause.

Avec une météo plutôt clémente cet été (du moins par rapport à celui de 2024 qui avait particulièrement pluvieux), les conditions étaient réunies pour que les restaurants et leurs terrasses soient pris d'assaut. Et pourtant, il n'y a pas eu foule.

D'après les chiffres de l'UMIH (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie), la fréquentation estivale de la restauration traditionnelle a baissé de 15 à 20%. Pour obtenir ce chiffre, l'organisation représentative des restaurateurs fait la moyenne des chiffres remontés depuis chaque département. Certains s'en sortent naturellement mieux que d'autres, nous dit le président de l'UMIH Restauration Franck Chaumès.

"Dans les Alpes-Maritimes, avec la Côte d'Azur où il y a davantage de pouvoir d'achat, on s'en sort beaucoup mieux. Par contre dans un département comme le Cantal, la fréquentation chute de 30%", explique-t-il.

On pourrait penser que la casse est limitée dans les départements littoraux car il y a plus de touristes. Mais pas spécialement nous dit Franck Chamès: "dans les Pyrénées-Atlantiques avec le Pays Basque, ça baisse fortement", affirme celui qui est lui-même restaurateur en Gironde.

Les Français optent davantage pour le snacking

Selon lui donc, cette chute de fréquentation est belle et bien liée à un problème de pouvoir d'achat des Français. Ils sont bien partis en vacances, mais que ce soit à la mer, à la montagne ou dans les villes, ils arbitrent davantage leurs dépenses. Au lieu d'aller au restaurant plusieurs fois pendant leurs vacances, ils ne vont s'y rendre qu'une ou deux fois.

"Le reste du temps, ils choisissent une autre manière de s'alimenter moins onéreuse. Se tournent vers les boulangeries, font leurs courses au supermarché, voire vont au fast-food", observe Franck Chaumès.

Les Français se tournent donc davantage vers le snacking faute de moyens. Est-ce parce que les restaurants ont trop augmenté? C'est une réalité: le secteur est sous tension. Hausse des coûts de l'énergie, des loyers, des matières premières et de la main d'œuvre (laquelle est, par ailleurs, de plus en plus dure à recruter).

Tous ces problèmes ne sont pas nouveaux: cela fait déjà plusieurs années qu'ils sont évoqués. Jusqu'ici, beaucoup de restaurateurs avaient été en mesure de temporiser avant de répercuter ces hausses sur les prix de leur carte. Mais cette année, ils sont une infime minorité à pouvoir se permettre d'encore rogner sur leur marge. La sensation d'une hausse de prix des restaurants est donc encore plus manifeste, criante.

Le consommateur n'accepte plus les abus de certains restaurants

Pour Bernard Boutboul, président du cabinet de conseil en restauration Gira, cette sensation d'une hausse des prix démesurée est toutefois amplifiée par certains restaurateurs.

"Le restaurant de bord de mer qui vend son entrecôte-frites 32 euros et la Vittel 8 euros, ça ne passe plus. À une époque le consommateur, qu'il soit CSP + ou même CSP -, pouvait se dire que c'est le jeu de payer si cher en vacances et y aller malgré tout. Maintenant il ne l'accepte plus, et il sanctionne en laissant un avis négatif", décrit-il.

Entre les avis sur Google et TripAdvisor et les commentaires sur les réseaux sociaux, le consommateur ne laisse plus passer les hausses de prix jugées abusives. Sur X, un internaute a fait réagir en relevant les prix en 2024 et 2025 d'un établissement à Ramatuelle, près de Saint-Tropez. Le poulet rôti y est passé de 39 à 41 euros ; la salade niçoise de 32 à 34 euros, les carottes râpées de 23 à 24 euros.

Un cas extrême, certes. Mais que Bernard Boutboul dit retrouver dans de plus en plus d'établissements. Pour lui, beaucoup de restaurateurs "ne font pas le job. La sortie au restaurant doit rester un moment de plaisir pour le client. Ces professionnels le gâchent, et ce sont eux qui sont responsables de la baisse de 15 à 20% de fréquentation constatée par l'UMIH".

Un manque de pouvoir d'achat

Pour Franck Chaumès, il y a bien eu des hausses de prix "qui étaient inévitables". Mais ces restaurateurs décrits par Bernard Boutboul sont des "brebis galeuses" dont il ne faut pas faire une généralité.

Énormément de professionnels font encore très bien leur métier, et les Français continueraient volontiers d'y aller régulièrement... S'ils avaient davantage de revenu disponible.

"Le véritable problème est moins le prix des restaurants que la crise du pouvoir d'achat. Il faut augmenter les salaires pour que les Français s'y retrouvent mieux et fréquentent à nouveau la restauration", plaide le président de l'UMIH.

Mais est-il vrai de dire que les Français mangent de moins en moins dehors? En réalité non: d'après les chiffres de Gira, le cabinet de Bernard Boutboul, le nombre de repas hors domicile a augmenté en France de 5,1% entre 2019 et 2024, même si ce chiffre inclut tous les types de lieux de restauration.

Y a-t-il trop de restaurants?

Le président de Gira note que l'on a l'habitude de dire qu'il y a 200.000 restaurants dans le pays. Mais pour lui c'est une erreur: il faut désormais inclure les fast-foods et les boulangeries qui prennent de plus en plus de parts à la restauration traditionnelle à table. Et se confond presque désormais avec elle.

Le nombre de lieux de restauration est donc de 407.000 selon Gira. Un nombre qui n'a cessé d'augmenter ces dernières années. Aujourd'hui on compte un établissement pour 170 habitants dans le pays, contre un pour 340 il y a 20 ans, nous dit Bernard Boutboul. Pour lui, cette profusion est néfaste.

"Entre cette concurrence toujours plus forte, la hausse de l'énergie, des matières premières et toutes les autres contraintes qu'il doit supporter... Le restaurateur quel qu'il soit, de McDo à Anne-Sophie Pic, est touché et gagne moins d'argent", synthétise cet expert du secteur.

N'importe qui aujourd'hui peut lancer son propre concept de restauration, que cela soit de la street-food ou du haut de gamme. Concrètement donc il y a de plus en plus d'acteurs autour d'un même gâteau (le pouvoir d'achat des Français). Qui lui en revanche ne grossit pas, ou du moins pas à la même vitesse.

Un "numérus clausus" dans la restauration?

La profession est de ce fait de plus en plus difficile. On ne compte plus le nombre d'établissements, en particulier dans les centres-villes de métropoles, qui se créent et ferment au boût d'un an ou deux. Faute d'avoir trouvé sa clientèle.

Un constat que partage Franck Chaumès de l'UMIH. Lui ainsi que Bernard Boutboul plaident pour une solution plutôt radicale: instaurer une barrière diplômante à l'entrée de la profession.

"Pour ouvrir son établissement, il faudrait passer une sorte d'examen pour montrer que l'on sait comment gérer une entreprise. Un genre de "permis d'entreprendre". Cela permettrait d'exclure ceux qui noircissent notre profession car ils font mal le métier. Nous, on veut être des bons élèves", déclare le président restauration de l'UMIH.

Il va même plus loin en plaidant pour l'instauration d'un "numérus clausus". Limiter le nombre de restaurants, du moins dans les centres-villes où les ouvertures/fermetures sont les plus importantes. De quoi donner de l'air aux établissements qui souffrent de cette dispersion des clients... Mais au risque d'entraver la liberté d'entreprendre.

Arthur Quentin